Louis Solo Martinel

Litteratures francophones, Lafcadio HearnThéâtre

« Filé zétwal, filé ! Kléré jis o firmaman ! »(1)
(File étoile, file ! Brille jusqu’au firmament !)


 

En guise d'introduction

Kassav’ fête 40 ans de scène, de succès et donne des méga-concerts pour son immense public aux Antilles, en France et dans le Monde. Kassav’ fête ses 40 ans, par une nouvelle tournée mondiale tout 2019. Ce n’est sans doute pas l’ultime tournée, mais, elle se présente comme la plus phénoménale à cette période précise d’une si grande carrière. 40 ans, c’est l’âge légendaire, l’âge du prestige. Et c’est toujours l’âge du vertige et encore l’âge des victoires, l’âge de l’envie de faire foule. Et, les étoiles de la Caraïbe filent et brillent au firmament du monde. Et, le zouk est évidemment incontournable, indubitablement universel.

Nos étoiles commencent leur tournée mondiale par la France, à Paris, à la défense U-Arena. Puis elles passent par la Martinique, dans la ville du François à l’Appaloos’Arena. Et, elles reviennent pour plusieurs méga-concerts dans de nombreuses grandes villes en France (Brive-la-Gaillarde, Beaulieu-sur-Mer, Vic-Fezensac, Barcelonette, Saint Malo, Châlons en Champagne …), avec, au passage, très attendu, un méga-concert à la mythique et prestigieuse Fête de l’Humanité. Puis, elles font une escale dans la Belgique voisine, à Hoogstraten.

Ensuite, nos étoiles filent en Amérique, en Guyane à Apataou et aussi dans la Caraïbe à Trinidad and Tobago, à Port of Spain, au Carifesta. Puis, elles mettent le cap sur l’Afrique, en Côte d’Ivoire à Abidjan, au Mozambique, à Maputo. Et, peut-être, voir la baie de Catembé, chère à Miles Davis qui fait la révérence à l’influence Kassav’ sur sa musique.

Après, nos fabuleuses étoiles prennent le grand large pour jeter l’ancre dans l’océan Pacifique et répandre l’encre des belles chansons créoles dans les eaux turquoises des multiples îles et des divers archipels, d’abord, au Vanuatu à Port Villa, ensuite à Wallis et Futuna, après en Nouvelle-Calédonie à Nouméa, et enfin à Tahiti, Papeete.

Après cette tournée archipélique en espace océanique polynésienne, une escale unique est prévue au Japon, l’autre archipel asiatique. Kassav’ y est attendu depuis leur inoubliable concert en 1988. Tokyo, la capitale et Shibuya, son quartier événementiel connait une spectaculaire et grandiose Renaissance (Entertainment City Shibuya) : surgissement, poussée, lâchée d’immenses halls, squares, ponts (Hikarie, Stream, Scramble, Fukuras, Solasta, Sakura Gaoka, Cast, Shibuya Bridge).

Le retour en Europe de nos étoiles est aussi très attendu. D’abord, des escales dans les Zénith les plus célèbres des grandes villes françaises (Lille, Nantes, Rouen, Bordeaux, Montpellier, Toulon). Puis, des concerts sont prévus dans les pays voisins au Luxembourg, à Mondorf-les-Bains, au Portugal, à Lisbonne, aux Pays-Bas, à Amsterdam et à Groningen. 

Des passages à Maurice, à la Réunion, à Saint-Paul raviront le public. Mais c’est aux Antilles, en terres natales que les derniers concerts sont prévus, en Guadeloupe, dans la ville de Baie Mahault, et ensuite, en Martinique, dans la ville du François pour un ultime concert pour terminer ce Kassav’ 40 ans en apothéose à l’Appaloos’Arena, en décembre 2019, afin de célébrer dans la joie, les fêtes de fin d’année. 

Kassav’ c’est beaucoup de mes 15 ans, de mes 20 ans, de mes 30 ans. Et, du haut de mes 50 ans, Kassav’ veut encore tout dire aujourd’hui. 

Je me revois, emporté par la foule en délire des Grand Méchant Zouk à l’Olympia, entrainé par les cris des Bercy, Zenith, Stade de France, et des autres salles mythiques des grandes capitales du monde entier. Je me revois soulevé par la foule en délire à Paris, Fort-de-France, Pointe-a-Pitre, New-York, Montréal, Tokyo, Yaoundé, Bogota, Rio …Je me revois entrainé par la foule épanouie, enivrée, heureuse qui zouke dans toutes les capitales mondiales sous le soleil et sous la joie. Je me verrais bien faire foule encore une fois avec 40 000 spectateurs de La Défense Arena, à Paris, la plus grande, la plus belle salle d’Europe. Je me verrais bien faire le fou encore une fois avec 6 000 spectateurs de L’Appaloos’Arena au François en Martinique, sous une pluie battante. Comme ce fut le cas lors du dernier concert fin mai 2019, reporté le lendemain pour cause d’intempéries. Le public conquis, ravi, a suivi. Je me verrais bien en feu devant 100 000 spectateurs dans une de ces capitales africaines qui ont emboîté le XXI siècle avec une trépidante activité économique et artistique, comme Kinshasa au Congo, ou Dakar au Sénégal, ou Yaoundé, la ville aux sept collines au Cameroun, ou bien Abidjan, la ville engorgée la plus peuplée de Côte d’Ivoire ou encore Luanda, la ville aux riches quartiers très flambeurs d’Angola. Sans oublier, Libreville, capitale du Gabon, nommée ainsi pour avoir accueilli dès 1849, les premiers esclaves libres du bateau négrier Elizia. Toutes ces villes formidables, conquises, elles aussi par Kassav’, doivent certainement se dire que le zouk de Jacob Desvarieux est certainement une musique africaine et sans doute un bon médicament. Je me verrais aussi dans le Pacifique, d’abord sur le littoral de Nouméa, la plus grande ville de Nouvelle Calédonie et surtout la plus grande ville francophone d’Océanie, puis à Papeete à Tahiti ou encore à Kafika à Wallis et Futuna, habité par l’esprit du kava sacré, emporté par une foule en délire sous les rythmes endiablés du groupe Kassav’. Je me verrais encore avec des spécialistes du kizouk japonais dans les clubs et les bars de nuit, les studios et les écoles de danse à Shibuya, Yokohama, Roppongi, Kyoto, Osaka, Kobe et sur les plus belles plages de la côte japonaise, pas très loin de Tokyo (Kamakura, Zushi). Je me verrais aux Antilles, en Guadeloupe, à Baie Mahault puis en Martinique dans ma ville natale, le François, en délire et en apothéose à l’Appaloos'Arena pour les fêtes de fin d’année en décembre 2019. Et boucler, là, la boucle d’une belle tournée mondiale, Kassav’ 40 ans. 

Pour rester dans la pure et grande symbolique mythique des 40 ans, j’ai volontairement dénombré une quarantaine de concerts de Kassav’ pour cette tournée mondiale 2019. Encore faudrait-il ajouter quelques concerts qui ont malheureusement échappé à mes listages personnels et aux archives Kassav’ sur les sites officiels et autres réseaux sociaux. Encore faudrait-il prophétiser les dates supplémentaires et les annulations pour diverses raisons pas encore enregistrées à l’instant de l’écriture de cette communication.

Itinéraires et Trajectoires

Cependant, il faut redire, rappeler aux Antilles, en France et au monde entier certains épiphénomènes autour de ce phénomène Kassav’. Kassav' c’est le plus grand groupe français en termes commerciaux (spectateurs, concerts, méga-concerts, disques, prix, distinctions …). 

Kassav' c’est le premier groupe français programmé au Stade de France pour leurs 30 ans et à la Défense U-Arena pour leurs 40 ans. Kassav' c’est le groupe français qui fait le plus de méga-concerts sur les grandes scènes nationales et internationales. Et, tous remplis. Kassav' s’est alors produit depuis 40 ans dans plus de 100 pays, villes et capitales mondiales. Pour faire zouker le monde entier, Kassav' a alors traversé les cinq continents, chevauché les sept mers et océans.

Une odyssée phénoménale, fulgurante, filante et firmamentale

Le dernier listage, que complète la récente tournée mondiale 2019, révèle une odyssée phénoménale, fulgurante, filante et firmamentale. L’Afrique, géographie cordiale de Kassav’: Algérie, Angola, Afrique du Sud, Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, cap Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Mali, Mozambique, Niger, Sénégal, Togo, ex Zaïre. Notre Amérique, pourtant si proche géographie, a, si peu, reçu Kassav’ : Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, États-Unis, Guyane Française. L’archipel des Caraïbes, terre natale, aime Kassav’: Antigua, Aruba, Curaçao, Dominique, Guadeloupe, Haïti, Martinique, Montserrat, Saint-Barthélémy, Sainte-Lucie, Saint-Martin, Trinidad and Tobago. L’Asie, géographiquement lointaine, a peu vu Kassav’ : Japon, Russie. L’Europe, plus du Nord, plus occidentale se passionne pour le groupe Kassav’: Allemagne, Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hollande, Italie, Luxembourg, Monaco, Portugal, Suisse. L’océan Indien : Comores, Mayotte, Maurice, Réunion, Seychelles et le Pacifique : Nouvelle Calédonie, Tahiti, Vanuatu, Wallis et Futuna, se limitent, hélas, qu’aux seuls territoires ultramarins francophones. Dans combien de pays et dans quels pays le groupe Kassav’s’est-il déjà produit? Pour atteindre 100, chiffre mythique, il faudrait consulter d’autres archives, retrouver les pays qui ont échappé à ma vigilance, les non répertoriés ou attendre qu’un compteur d’archives, un jour, les signale.  

Une trace phénoménale, géniale, génitrice, génératrice.

 Plus qu’un phénomène, Claudy Syar, fondateur de Tropiques F-M, cité largement plus loin, présente Kassav’, lors du premier Zénith en 1985, comme la révolution: « Et je me sens être le témoin privilégiéde l’affirmation d’une identité, d’une révolution, (…) » (2) Mais revenons sur ce qu’il y a de plus phénoménal dans la carrière de Kassav’, les valeurs chiffrées.

Marie Laurence Gourou, Directrice des relations extérieures-presse Colombia Sony Music (1970-1999) invite à voir, vivre la chose : « Quand on ne le connait pas, on n’imagine pas ce que peut être un spectacle Kassav', c’est quelque chose de phénoménal, d’un niveau totalement international. Cela dépasse l’entendement, il faut le vivre, il n’y a d’autres solutions. (…) » (3)

Laissons ainsi, l’histoire et l’historicité (chiffres, dates, chronologies, historiques), (distinctions, honneurs, trophées, prix), nous apporter à la barre, contre vents et marées, les preuves infaillibles de l’immense génie et générateur, de la dimension internationale du groupe Kassav’.

Des milliers de concerts, des millions de spectateurs

Kassav’ a vendu plus de 10 millions d’albums dans le monde entier. Kassav’ a rempli plus de 50 fois Zénith et Bercy à Paris en France. Kassav’ a rempli 2 stades de France avec plus de 65 000 spectateurs. Kassav’ a réuni ensuite 300 000 spectateurs sur la belle pelouse de Reuilly de l'esplanade de Vincennes à Paris en France en 1985. Kassav’ a enflammé ses 40 000 fans en Guadeloupe en 1986 et ensuite 70 000 personnes au concert à Baillif en Guadeloupe en 1987. Kassav’ a allumé le feu d’un public de 100 000 spectateurs à Luanda en Angola en 1988. Et a ravi des milliers de fans à Libreville au Gabon en 1997, ensuite en 2014. Du jamais vu en Afrique pour un groupe français. Kassav’ a aussi réuni plus de 60 000 spectateurs à l’occasion de la 20e édition du festival de Baïa das Gatas, sur l’île de Sao Vicente, au Cap Vert. Kassav’ a comptabilisé 2 000 concerts, 2 000 000 spectateurs en 40 ans. Et 2019, qui marque les 40 ans du groupe, est une super année record. 

Une discographie générique officielle, des disques générés

Si seulement seize albums portent le nom générique de Kassav', depuis 1979, année de la fondation du groupe, mais pour une comptabilité et une traçabilité complète, il faut ajouter les albums live, les compilations, les albums solo de chaque musicien, les featuring, les gold et best, et pouvoir aussi ici et maintenant dépasser la centaine. Le site officiel de Kassav’ affiche la chronologie de la discographie: 

01/ Love and Ka-dance, 1979

02/ Lagé Mwen, 1980

03/ Kassav’ 3, 1981

04/ Kassav’, 1982

05/ Kassav’5, 1983

06/ Passeport, 1983

07/ Ayé, 1984

08/ Anba Chenn La, 1985

09/ Kassav' au Zenith, 1987 

10/ Les grands succès de Kassav’ Vol 1, 1987                 11/ Vol 2, 1987

12/ Vini Pou, 1987

13/ Majestik Zouk, 1989

14/ Le Grand Méchant Zouk, 1990

15/ Te Kit Izi, 1992

16/ Live au Zenith, 1993

17/ Difé, 1995

18/ Kassav' Cho, 1996

19/ Kassav’ Gold, 1998

20/ Un Toque Latino, 1998

21/ Le Meilleur de Kassav’, Vol 1, 1999                         22/ Vol 2, 1999

23/ Nou La, 2000

24/ Les Indispensables de Kassav’, 2002

25/ Légende Kassav’, 2003

26/ KTOZ, 2004

27/ Carnaval Tour, 2005

28/ Kassav’ Best of, 2006 

29/ Les années Sonodisc, 2006 

30/ Le Grand méchant Zouk. 2006

31/ All U Need is Zouk, 2007

32/ Saga, 2009

33/ Live au Stade de France, 2009

34/ Le Grand Méchant Zouk, 2011

35/ Le Grand Méchant zouk, 2012 

36 La Sélection Best of, 2013

37/ Sonjé, 2013

38/ Zouk, La Remix par Bob Sinclar, 2014 

39/ Le Grand Méchant Zouk, 2014

40/ Best of Kassav’, 2016

Le chiffre mythique 40 est largement atteint en ajoutant volontairement les deux récents albums. Pour être complet, il faudrait comptabiliser tous les albums estampillés Kassav’ (live, solo, compilations, best of…), les DVD (Bercy, 1999, Carnaval Tour, 2006 All u need is zouk, 2007, Nuit créole, 30 ans Stade de France, 2009) et le dernier opus Kassav’ 40 ans, 40 incontournables et pépites remasterisés, 2019. L’universitaire et musicologue martiniquais, Gérald Désert établit la plus complète discographie (78 albums) connue aujourd’hui dans son livre sur le zouk et sur Kassav’ (4), paru en 2018. Cependant, sa liste s’arrête en 2013. Il faut encore ajouter 4 albums sortis de 2014 à 2019.

Des distinctions et des honneurs, des trophées et des prix

Les distinctions et les honneurs, les disques d’or et de platine, les prix, et les trophées sont très nombreux du début (1979) ànos jours (2019). Des honneurs obtenus tant à l’international qu’au national, régional. Des distinctions reçues soit collectivement par le groupe Kassav’, soit individuellement par les membres du groupe en tant que, meilleur chanteur, compositeur, auteur, arrangeur, album solo, chanson et disque d’or, de platine, et ceci en Guadeloupe, en Martinique, dans la Caraïbe mais aussi en Afrique, en Amérique, en Europe.

Premier Disque d’or pour Desvarieux/Décimus, Guadeloupe, 1986

Premier Disque d’or féminin aux Antilles pour Jocelyne Béroard, 1986 

Premier Disque de platine, Vini Pou, 1987

Deuxième disque de platine, Majestik Zouk, 1987

Meilleur groupe aux victoires de la Musique, France, 1988

Meilleur groupe au Prix de la Francophonie au Québec, 1989

Meilleur spectacle au Prix RFI, France, 1990

Meilleur groupe, West Indies, New York, USA, 1993

Meilleur groupe, Abidjan, Côte d’Ivoire, 1993

Meilleur groupe, Curaçao / Meilleur concert, Curaçao, 1994

Officier du mérite, Jocelyne Béroard, Jacob Desvarieux, Sénégal, 1996 

Meilleur groupe, Libreville, Gabon, 1997

Meilleur concert, Martinique, 1999

Chevalier de la Légion d’Honneur, Jocelyne Béroard, France, 1999

Meilleur concert, Martinique, 2000

Prix Sacem, du meilleur zouk, Guadeloupe 2001

Prix Sacem, des musiques du monde et traditionnelles, France, 2007

Cette liste est incomplète car elle se limite aux premières distinctions. Elle est établie à partir des sites de Kassav’ et des réseaux sociaux. Ensuite, ce ne sont pas les distinctions qui se font rares, même si les ventes diminuent (piratage, téléchargement illégal), mais ce sont les informations qui sont de moins en moins précises et exclusives, de moins en moins médiatiques et en grande pompe (remises des prix). Gérald Désert, par un précieux et méticuleux travail de recherche et d’archivage et une originelle et virtuelle forme de communication, contact personnel par email avec les membres du groupe, parvient, dans son magnifique ouvrage, à effectuer un assez large et complet listage des certifications des albums du groupe et des albums en solo. Il établit son état des lieux en faisant, alors, trois constats pertinents. Par un premier postulat «La recherche sur le Zouk est encore balbutiante » (5), puis, par l’évocation d’un « temps démiurgique »(6) allant de 1984 à 1995, « Temps de consolidation créative et de consécration (…) ou le groupe vend le plus d’albums et reçoit le plus de certifications (disques d’or, disques de platine) » (7), ensuite, par un rappel sur les conditions des certifications accordées à Kassav' qui sont «en rapport avec l’importance internationale de leur maison de disques (Les Majors Companies, tels que Sony et Warner Music Group), à ne pas confondre avec les certifications nationales ».(8)       

Autant de sources et d’informations qui devraient nous conduire vers de meilleurs listages et archivages. On peut cependant déjà préciser que presque tous les albums génériques du groupe Kassav' ainsi que la plupart des albums en solo ont, par la suite, reçu une distinction (disque d’or, de platine), soit un prix, un trophée ou une récompense. Des distinctions antillaises et françaises mais surtout internationales. C’est que l’on ne le répète pas suffisamment. Le succès de Kassav’ est non seulement régional, national, mais surtout mondial, planétaire. On l’a bien compris, la certification repose sur des critères spécifiques (quotas, marchés phonographiques, ventes nettes des disques, expéditions associées, commercialisations, popularités des artistes), varie selon les supports (CD, DVD), les époques et les pays. Aucunement structurelle, ni intemporelle, encore moins universelle.

Elle demeure l’estime calculée sublime et l’honneur chiffré ultime. Elle est appréciée pour sa valeur commerciale garantie, son indicateur de réussite justifiéet reconnu, son marqueur de qualitéet de créativité.

Pour le producteur, la maison de disques, c’est un résultat commercial. Pour l’artiste, c’est aussi un résultat commercial nécessaire, mais une immense reconnaissance (aboutissement, talent, professionnalisme). Une couronne d’or, d’argent, de platine, de diamant d’une carrière. Pour les artistes de Kassav’, 40 ans de certifications est un record. Des premiers succès (disques d’or) à la fulgurante ascension au rang d’immenses stars (disques de platine), jusqu’à l’ultime consécration au rang suprême de méga-stars (disques de diamant). Espérons encore! Les quotas sont différents selon les pays et les périodes. En France, ils sont réglementés, contrôlés par deux organismes spécifiques officiels. Le SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique) et aussi l’UPPI (Union des Producteurs Phonographiques Indépendants) fixent leurs quotas pour les albums en fonction des évolutions modernes et de la marche inexorable du temps. Ainsi, les seuils diminuent, certaines certifications disparaissent et d’autres naissent (9) .

Or : de 1973 = 100 000 > de 2009 = 50 000

Double Or: de 1973 = 200 000 > Suppression en 2006

Platine : de 1980 = 400 000 > de 1985 = 300 000 > de 2006 = 200 000

Double Platine : de 1988 = 600 000 > de 2006 = 400 000 > de 2009 = 200 000

Triple Platine : de 1988 = 900 000 > de 2006 = 600 000 > de 2009 = 300 000

Diamant : de 1988 = 1 000 000 > de 2006 = 750 000 > de 2009 = 500 000

Double Diamant : de 2014 = 1 000 000

À titre de comparaison, les seuils américains sont dix fois plus grands.

Or = 500 000

Platine = 1 000 000

Double platine = 2 000 000

Diamant = 10 000 000

Depuis 2016, écoutes en streaming, téléchargements et abonnements, tous ces éléments payants du nouveau marchéen ligne sur internet sont convertis sur une base d’équivalence (1500 streams : 1 vente), sont pris en compte pour le calcul des meilleures ventes et aussi pour l’attribution des certifications. Ces équivalences ont leurs seuils.

Or = 15 000 000

Platine = 30 000 000

Diamant = 50 000 00

Un point de vue d’expert en musique sur ce phénomène

Que disent alors les spécialistes de musique, des spectacles devant un tel succès d’un groupe et d’une musique d’un nouveau genre? Laissons alors, les responsables et les professionnels, les témoins privilégiés, les garants accréditeurs et les sources officielles, du plus près comme du plus loin, de l’intérieur comme de l’extérieur, du phénomène Kassav’, coller leurs témoignages en gage et en guise d’argumentations convaincantes.

Marie Laurence Gourou, nous rappelle le caractère exceptionnel et unique de l’entreprise Kassav’ en matière d’exportation de produits culturels, musicaux, originaux d’une qualité artistique soutenue et d’une modernité technique pointue qui montre le professionnalisme immense et tenace du groupe Kassav’. Elle insiste particulièrement sur le fait fondamental, que le groupe Kassav’ joue le rôle d’ambassadeur culturel, musical dans le monde entier. Et, les responsables culturels français de Paris ou des réseaux culturels et diplomatiques à l’étranger n’en ont pas eu suffisamment conscience. Encore faut-il l’accepter! Marie Laurence Gourou, 30 ans de carrière, experte chez Sony, le plus grand vendeur de disques du monde est une voix interne, pertinente: 

« Il me semble que de toute ma carrière qui a été longue, Kassav’ c’est le seul groupe français et au monde qui s’est exporté de cette façon là. Et ça, je crois que l’on ne l’a pas assez dit. Je crois que les gens ne se sont pas très bien rendus compte de la dimension du groupe. Du fait qu’ils étaient les ambassadeurs de la France dans le monde entier. »(10)

Bertrand Dicale, journaliste musical confirme le phénomène exceptionnel, la renommée internationale exceptionnelle de Kassav’, comme groupe français qui fait le plus de concerts dans le monde: « Ce que les gens oublient complètement, c’est qu’aucun artiste français n’a donné plus de concerts à l’étranger que Kassav’ » (11). Si Kassav’envahit le monde, l’Afrique devient, selon Gérald Désert, « terre de prédilection de Kassav’ où ses membres sont en perpétuel immersion (…) voyage initiatique (…) réminiscence de cette mémoire lointaine et profonde, venue du fond des âges, dans ce monde qui pense leur appartenir désormais. »(12) 

En effet, l’immense Afrique (Algérie, Angola, Afrique du Sud, Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Cap Vert, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Mali, Mozambique, Niger, Sénégal, Togo, ex Zaïre) devient la scène des méga-concerts dans des stades, des salles de 100 000 personnes. Bertrand Dicale corrobore la réputation des musiciens de Kassav’, rois d’Afrique «Les stades africains n’avaient jamais connu de telles foules pour des artistes venus d’un autre continent » (13). L’Afrique devient aussi l’esplanade des seuls festivals de zouk au monde (Maputo au Mozambique) et (Luanda en Angola), le décor naturel des clips (Wep), le socle du premier musée du Zouk et de Kassav’ (Maison du Zouk, Luanda, Angola), le lieu mémoriel et inspirateur des tubes (Gorée).

Kassav’ a donc réussi son pari. Le zouk se révèle être une magnifique histoire d’achèvements, de succès avec de très beaux jours devant lui. Le zouk se révèle être une très belle et brillante affaire àfaire fortune. On l’a vu avec l’expertise de Marie Laurence Gourou (Sony Music). On l’a entendu par la voix avertie de Bertrand Dicale, journaliste musical prolifique (Figaro, RFI, France TV Info, News Tank Culture), auteur musicologue Ni noires, ni blanches : histoire des musiques créoles, (2017). On devrait le comprendre avec Jocelyne Guilbault, professeure d’ethnomusicologie à la Faculté de musique de l'Universitéde Californie, Berkeley et auteure d’ouvrages et articles sur la musique, Zouk World Music in the West Indies (1993), qui nous apporte des éclairages passionnants en potentialitécréatrice et valeur marchande du zouk. D’abord dans son article « Créolitéand Francophonie in Music » paru en 1997, elle revient sur l’argumentation, la plaidoirie qu’elle avait déjà signée : « “Zouk is the first Creole music to have achieved commercial success not only in the Creole-speaking Islands and the Caribbean as a whole, but in Europe and Francophone African countries as well.”(Guilbault 1993). » (14) Ensuite dans un autre article « Le rôle du zouk en Guadeloupe » paruen 1996, elle attire notre attention sur un fait précis et particulier qui corrobore aussi notre argumentation : la révélation de la valeur substantielle du zouk et des mesures renforcées qui l’ont accompagnée. 

Des mesures prolifiques aux artistes, sensibilisant le public et les utilisateurs, apportant des nouveaux outils et une approche neuve et responsable face au respect de la création et du droit d’auteur :

«Sur le plan économique, le zouk devient une valeur marchande, valeur suffisamment substantielle pour que la Société française des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM), bien que déjà installée aux Antilles, décide de renforcer les mesures pour la protection des droits d’auteur en incitant d’abord les musiciens à devenir membres de l’organisation et en obligeant les établissements où la musique est reproduite à payer leurs frais annuels. Ce faisant, le zouk contribue donc à la fois à sensibiliser le public quant aux droits d’auteurs et aux responsabilités des musiciens et des reproducteurs de musique et àfaire naître une nouvelle forme de respect face àla création. » (15)

Un point de vue politique, social, culturel sur le phénomène

En tout honneur, commençons par le plus haut lieu politique, culturel. Jack Lang, Ministre de la Culture sous les mandatures Mitterrand insiste sur le caractère nouveau du phénomène, sa folle et insuffisante condition médiatique, communautaire. Il parle en effet d’une rumeur qui s’est rapidement propagée. Il insiste sur la valeur, la grandeur et le mérite du phénomène : puissant, fort et durable : 

« Réellement, nous l’avons ressenti comme un phénomène nouveau en France dite métropolitaine. Et très vite, il s’est propagé la rumeur qu’un groupe à la musique étonnante sensuelle faisait vivre et chanter et danser et se sont pressés des gens de partout et le phénomène a été à la fois puissant, fort et durable. »(16)

Si Jack Lang parle de rumeur qui se propage, c’est qu’il comprend que ce phénomène-là, ne bénéficie pas de toutes les possibilités médiatiques de la République. Et pourtant la propagation s’avère rapide, efficiente, effective, efficace. Un ouragan, un feu irrémédiable. 

 

Quel feu, quel ouragan est-ce donc Kassav’?   

Ouragan déferlant ! Feu irrémédiable ! Phénomène firmamentaire !  Aucunement thuriféraire, encore moins dithyrambique, pas même  laudateur, je superlativise volontiers. Et je le revendique. Je l’accepte. 

Sur un site, est inscrit en épigraphe cette phrase de Bertrand Dicale : 

« L’ouragan Kassav sur les Antilles, c’est l’équivalent, à la fois, du glamour radicalement nouveau d’Elvis Presley, des tubes des Beatles et des textes de Bob Dylan. Au début des années 80, la société antillaise est bousculée du haut en bas : tout le monde danse cette frénésie nouvelle, tout le monde chante en choeur ces refrains qui regardent la réalité droit dans les yeux (il faut vraiment écouter Syébwa ou Zouk-la sésèl médikaman nou ni), tout le monde est fier des succès de ses artistes à travers le monde. »(17)

Qui ne comprend pas, ne comprendra pas d’avantage le bonheur du félin quand il rugit puis surgit sur sa proie, et, fera litière de la joie de la féline quand, elle gémit et se réjouit en lordose. Que dire de mieux ? Qui ne comprend pas ne comprendra pas d’avantage, le frisson poétique, le sentir somatique quand on (écoute/chante/danse) Kassav’. C’est, longuement, frissonner dans le vent, trembler dans l’air, tressaillir de tout son être, frémir des cheveux jusqu’aux pieds sous un plaisir intense, immense, puissant avec en continu une séquence de joies stupéfaites, une vibration de souvenirs électriques, pathétiques. Puis revivre encore ce plaisir avec la sensation chaque fois différente. Qui ne comprend pas, ne comprendra pas d’avantage la brûlure que Kassav’ laisse à 14 ans en 1979, réveillé par cette alarme matinale (Léyéyo ka) de (Dedicated to Saint Jean) (18) ou ce chemin, à 20 ans en 1985, qu’il indique, tel l’étoile qui file, qui scintille, qui brille (Filé zétwal)(19)

Et, il faut saluer comme il se doit, la puissante secousse sismique qui bouscule et soulage, envahit et guérit (Zouk-la sésèl médikaman nou ni)(20), qui se traduirait très précisément et assez généreusement par ce double libellé« Le zouk est la seule panacée universelle dont nous disposons. »(21) Tellement forte et vraie qu’elle fonctionne comme thérapie, libération. Tellement forte que la pression de ses mots guérissent tous les maux.Un clin d’oeil à Césaire en paraphrase qui s’impose et se justifie. Parce que le zouk est panacée, araliacée, ginseng, gingembre, guérisseur des maux et problèmes et agrandisseur des mots et frissons.  

Parce que les démiurges de Kassav’ sont en musique (revendication et affirmation identitaire, présence et relation au monde, exaltation lyrique et réalitémagnifiée), ce que sont les chantres de la négritude (poésie de la révolte), de l’antillanité(poétique de la relation) et de la créolité(poétisation de l’identité).

La condescendance habituelle, la doxa généralement admise, gravement, chroniquement malade de ses vieux résidus de préjugés, voit ceci comme une soupçonnable variante de la légèreté de l’être, une parenthèse amusante, une folle intensité, passagère et insouciante, une irréductibilité à la civilité, la solidité, la modernitéde civilisation. Aux yeux des plus atteints, c’est la spécificité antillaise du bal délabré. 

La doxa méprisante ramène tout àcette image réductrice, réduit tout à ce délabrement de son amalgame. Elle mélange mal, compare vite, mixe court, mouline tout, genres et artistes, différencie peu le faux petit succès d’un été chaud du vrai talent, immense fort et durable, passe par le plus court chemin de l’à vue d’oeil, comprend au premier degré et se contente et s’y complait, rode ainsi à la limite de toute vérité, rate alors toute chose, court-circuite la profondeur poétique du réel merveilleux, et, hélas, de façon désaccordée, passe à coté de tout. Tout est oisif  (bamboula, cocotier, sauce, chaleur) selon la sainte taxinomie. Tout est jugé alors trop lascif, si osé. Tout est amalgame et sans nuance. Passons ! La musique antillaise n’a pas l’apanage de l’impudicité, la lascivité.        

 

Que dire alors de la sarabande?

Une musique/danse populaire connue pour être d'origine espagnole. Mais son ascendance incertaine est plus lointaine, andalouse, mauresque, orientale. Des spécialistes de l’histoire de la musique lui ont trouvé une très vieille filiation aztèque. Au XVIème siècle, deux types de sarabande se chamaillent la vedette mais pas dans la même sphère. L’une ancienne et populaire, vive et rapide, lascive et impudique, sauvage et sensuelle, indécente et licencieuse tant par ses mouvements dansés que par ses paroles chantées sur des thèmes érotiques, amoureux, sexuels. Impureté par excellence, la légende raconte que le diable l’enseigne lui même aux sorcières pour ses joies sabbatiques. 

Elle est « si lascive dans ses paroles, si impudique dans ses mouvements qu’elle suffit à enflammer même les personnes les plus honnêtes »(22), qu’elle est « capable d’émouvoir les Passions tendres, de dérober le Cœur par les Yeux, et de troubler la Tranquillité de l’Esprit. »(23)  De Jules Leclercq, parcourant la terre, on apprend que les gestes de la sarabande sont si désordonnés que cela évoque un burytareur, une baratte : «Nous étions dans la région des vagues espagnoles,(…) Le pauvre petit Valdemar roulait, tanguait, et tout ce qu'il contenait d'animé et d'inanimé se livrait à une sarabande désordonnée. Nous aurions pu nous croire dans une baratte américaine. » (24) Pire ou … mieux qu’un lélé créole. Petit fouet de cuisine en bois, qu’évoque alors Jacob Desvarieux dans la chanson Kavalié o dam (25). Il est utilisé pour mélanger la célèbre boisson rafraichissante, citronnée, glacée, sucrée, Madou siwo qu’évoque Jocelyne Béroard dans Siwo (26) et dont Dédé Saint Prix, célèbre chanteur martiniquais nous avait déjà donné si agréablement la recette dans sa chanson du même nom, Lélé (27)

La sarabande, comparée à une baratte, pire ou … mieux que notre lélé créole, apostasiée ainsi par le bras séculier des églises et des Ecclésiastiques (défendue sous l’Inquisition) et par les plus grandes cours d’Europe (interdite sous Philippe II), a évolué vers une nouvelle forme, moins impure, plus lente et compassée pour reprendre le terme Cervantès. L’anecdote la plus chatoyante nous est revenue par Alexandre Dumas. Le Cardinal Richelieu s’est épris, par jeu, de la Reine Anne d’Autriche (parti des dévots) qui le rejette et le méprise. Il est éconduit par Anne, décrite pourtant, frivole, frondeuse, insouciante, coquette, entretenante d’amants, (l’affaire des ferrets de diamants) et surtout délaissée par le jeune complexé sexuel, Louis XIII. En 1635, le cardinal en séducteur mondain, veut emberlucoquer la reine coquette et danse devant elle, une assez folle sarabande « M. le Cardinal, àce qu’il paraît, la poursuit et la persécute plus que jamais. Il ne peut pas lui pardonner l’histoire de la sarabande.» (28) Histoire de la sarabande connue des cours et des trois mousquetaires.

Si j’insiste ainsi sur la sarabande, ce n’est point par petite coquetterie. C’est qu’elle le mérite assez bien. D’abord, pour son origine multiple, son itinéraire téméraire, sa trajectoire méritoire et son fabuleux destin. Née musique, danse populaires, célébrant sexualité, fécondité, amour. Soutenue par un féminisme libertin naissant et par un courant libéral, elle s’est allongée, intensifiée, amplifiée, diversifiée par des couplets supplémentaires plus riches et plus libres pour mieux en jouir. Devenue au fil des époques, musique et danse des cours d’Europe, menuet distingué apprécié par la noblesse (Menuet-Congoàla cours de Louis XV), suite délicieuse pour clavier, clavecin, piano interprétée par de grands musiciens (Haendel, Bach, Beethoven, Mozart, Satie). Ensuite, comment dire au plus humble des Martiniquais qui se met en mode religieux, silencieux, pieux, dans un recueillement, pour entendre les avis d’obsèques de Martinique 1ère, que le générique qu’il écoute religieusement et qui l’installe dans une posture d’émotion (nous avons le regret de vous faire part du décès de…), c’est la sarabande de Haendel (29), présentée plus haut comme licencieuse, impudique, sexuelle, érotique et condamnée par le Pape, dans sa seconde forme mesurée et compassée. Certes, mais tout de même. Ciel! Pardon! 

Tellement de danses et de musiques populaires ont vécu le même sort. La rumba, la salsa et autres danses du monde, avant de devenir danses de salon, avaient une diversité de formes africaines (Yambu, Yambula) puis latines (Rumbo, Columbo) qui honoraient virilité et fécondité, dans le règne de la sexualité, force et rythme dans le règne agricole. Danses dionysiaques et bacchanales grecques ont eu aussi genres et styles qui pourraient faire rougir toute pudibonderie et autre pudicité. Genres qui ont donné naissance aux danses européennes modernes. Ainsi le zouk, dans sa phase moderne, internationale, prend ce virage. Ses diverses versions angolaise (kizomba), brésilienne (brasazouk), japonaise (kizouk), présentées plus loin, démontrent parfaitement ses capacités d’exportation, d’exploitation, d’adaptation, de séduction. Comme genre musical et comme art de la scène (danse), le zouk a encore de très beaux jours devant lui. Qu’il reste populaire ou qu’il fasse son entrée méritée dans les cours et salons, les studios et écoles, le zouk sera moderne ou ne sera pas. 

40 longues années de renommée n’est que le bon début de l’aventure. Nos étoiles savent qu’ils sont déjà les Mozart, les Bach de leurs pays. Alors, le zouk n’a rien àse reprocher. Il n’est donc coupable de rien. Citons les chefs d’accusation: lascivité, érotisme, passion, amour, simulation sexuelle, déviance. Qu’est-ce qui sépare le zouk du sexe? Un string, un jean’s. Blague de bas étage ou brève de comptoir. Fernand Donatien, professeur de musique et musicien traditionnel, en décomplexé, avertit, que la musique antillaise honore « un rapport à la gloire du grand Dieu fécondateur, noyau central des croyances africaines. » (30) Gérald Désert le citant, ajoute « (danse sacrée, danse de la fécondité). » (31) J’ajoute, pour être tout à fait juste, danse de la virilité, danse agricole. Alors, le zouk n’a pas àcacher ce string que dévot ne saurait voir. Toute une poétique de la romance a ainsi disparue quand la musique populaire s’est compassée dans une manière que trop courtisanesque. Ce pourquoi elle était peu faite. Alors quoi? Plus aucune mantille qui brille négligemment sur les larges épaules andalouses aguichantes. Nul madras enserré autour du galbe des hanches des jolies indiennes. Nul fichu pendu au cou si tendu des bohémiennes en robe de gitane. Plus un seul foulard autour des reins des (dames que j’aime), quand, (j’aime à croire que c’est ma main comme une traîne qui le retient.) (32) Nul carré noué de la guadeloupéenne sur le quai du courrier accosté. (33) Nul mouchoir, des coquettes marivaldiennes, qui séduit, puis achève. Ni cambrure, lordose du désir en terres africaines, latines, créoles. Plus d’amazone, ni touloulou en territoires réunionnais, guyanais. Plus aucune érotisation dans les danses. 

Le zouk n’est pas seulement sensuel. Il faut lui accorder le diversel. Ascendances et belles naissances, engeances et bonnes descendances. Opinion avertie, trie bon du mauvais sur les gammes acoustiques. Public connaisseur, dégage meilleur du pire de la palette chromatique. Liberté d’expression, de production ! Alors, que diversité croisse ! Laisser décroitre la diversité des genres et styles est un grand danger. Paraphrasons le maître du divers et de l’exotisme, Victor Segalen (34) !

 

Un immense succès mondial sans grande couverture

Le succès est immense, mondial et touche toutes les générations. Pourtant, Kassav' ne bénéficie pas de couverture médiatique, ni internationale comme Indochine, Stones, U2, ni nationale en France tel un Johnny, un Sardou….

Alors, de quoi, le si célèbre zouk de Kassav’ serait-il encore victime? Préjugé, incompréhension, déconsidération, condescendance, méconnaissance, dénigrement, mépris, ou (…)? Un silence qui sourd. C’est de tout cela et en même temps. Ces termes viennent de la presse régionale et nationale, d’analyses de ces dernières années qui ont abordé les difficultés du zouk. 

Le collègue Gérald Desert disait déjà: « En métropole, il a souffert du dénigrement doudouiste et, aux Antilles, il s'est heurté au complexe culturel lié à la colonisation. » (35) François Pinard, producteur du groupe depuis 1995 avoue « On se heurte toujours à une forme de condescendance qui résulte d'une méconnaissance». (36) Bertrand Dicale confirme « Les grands médias ont une vigoureuse condescendance pour tout ce qui vient d’outre-mer (…) Les Français ont une vision très étroite de la renommée. Quand Kassav’ joue en France devant 100 000 personnes, ils ne pensent pas àun grand concert, ils pensent à un grand bal. » (37) Et j’ajoute, un grand bal nègre. Des mots immensément durs ! 

Et nous n’avons encore rien entendu. Pour conclure, François Bensignor, journaliste musical, responsable du CIMTM (Centre d’Information des Musiques Traditionnelles et du Monde) à l’IRMA (Centre d’Informations de Ressources pour les Musiques Actuelles) dit : « Ça ne sert à rien de tourner autour du pot, il faut le dire : il y a une forme de racisme ambiant dans les médias généralistes. Dans les années 1980, quand Kassav’ était au top, il y avait une véritable volonté d’ouverture de la société. Mais ça a changé dans les années 1990. »  (38)

Le grand mot, évité plus haut, est lâché. Racisme ! Mais creusons ! Racisme? Bêtise? Franchouillardisme? Ignorance?  

Il fallait compter sur ses propres forces, s’entourer d’un collectif, développer une armure particulièrement vigilante, toujours en alerte, se doter d’une conscience éclairée en permanence éveillée, et disposer de vives lianes communautaires et de profondes racines rhizomes.

 

Un réseau communautaire pour bâtir

Karine Lagrenade attachée de production du Grand Méchant Zouk, 2014, nous apprend que les grands médias généralistes n’ont ni relayé ni remonté la manifestation comme ils le font pour n’importe quel autre groupe. Depuis bien longtemps, Kassav' et bien d’autres groupes, artistes antillais ont une couverture promotionnelle auprès des seuls médias dits « communautaires » (Tropiques FM, Radio Latina, France O, Trace TV, France 3). Et le reste se fait auprès des supports et des lianes communautaires internes. Et ironie du sort mais ironie en or, ça suffit pour remplir Bercy, Zénith, le stade de France, la Défense U Arena, et d’autres salles du monde. Ce qui veut dire que face à cette assignation à résidence identitaire, communautaire, Kassav' a su et pu compter sur sa propre organisation, sa vraie motivation, sa grande détermination, sa forte identité, son propre réseau. Kassav' a su et pu bâtir. Kassav' a su et pu séduire et conquérir un immense public dans sa famille nucléaire, locale, caribéenne, élargie en diaspora diverselle et réseau communautaire, antillaise, africaine, américaine, latine. Contrairement au paralogisme simpliste, déductif, réducteur, l’idée reçue et l’a priori, la chose n’est pas facile. Kassav' a su s’imposer à un public international, insulaire, continental, éclaté aux vents du monde. Contrairement à l’anachronisme, l’arrangement petit avec l’antan (temps/histoire), rien ne fut acquis d’avance. Ses étoiles se figent à la Maison du zouk de Luanda en Angola et bondissent dans le film Siméon d’Euzhan Palcy (39). Documentaires, ouvrages, articles retracent l’histoire du groupe, de ses stars, du zouk. Ils sont aussi à l’honneur de grands festivals culturels et de colloques internationaux (Mozambique, Angola, Martinique). En 2019, Kassav’ en tournée à Wallis et Futuna a eu l’honneur royal de partager avec Sa Majesté, Lavelua Takumasiva le Kava sacré. Boisson issue de la racine Kava qui rappelle le légume Kassav, impulsion du nom Kassav’. Médicament de l’immanence, de la permanence, alors Sa Majesté a salué le groupe avec un « Kava la se sel medikaman nou ni ».

 

Imaginaires et Perspectives

La presse, d’une voix, a rappelé des chiffres qui donnent le vertige. De l’avis de spécialistes, c’est phénoménal. Jugeons par ces chiffres ! Ce sont des vrais marqueurs et des indicateurs d’excellents résultats. C’est surtout la marque et la trace d’une vive et excellente créativité. Ce sont des marqueurs d’une telle puissance, qu’ils franchissent alors toutes les dimensions et qu’ils supplantent aussi toutes les pulsions. Et, surtout, ils étonnent toutes les générations de tous les horizons. Kassav’ invite les générations à entonner ensemble puis seules, par la suite, les plus beaux chants de la créativité, à explorer ensemble puis seules, par la suite, les immenses champs du possible et de la volonté, à magnifier le beau, le fabuleux de nos identités, cultures et langues. 

 

Une effective empreinte, en enseigne de vaisseau

Cette formidable transcendance s’avère alors plus que nécessaire. Cette fabuleuse magnificence se révèle tellement plus qu’essentielle. Cette phénoménale réussite de Kassav’ s’impose magistralement et aussi en enseigne de vaisseau, comme un immense drapeau nouveau et un flambeau flambant neuf. Et j’ajoute, pour être tout à fait juste, que Kassav’ est coproducteur avec Sony, Zouk SARL, Georges Debs, Freddy Marshall, etc. Cette belle capitalisation probante toute nouvelle colle au témoignage. Cette décisive probation devrait sensibiliser nos artistes, producteurs et réalisateurs, et interpeller nos décideurs économiques et politiques. Ce succès phénoménal est à la fois une empreinte et une enseigne, une industrie et un atelier, une manufacture et un laboratoire. 

Une effective empreinte. Puisque depuis 2009, lors du grand concert au Stade de France pour les 30 ans du groupe Kassav’, une étoile en or qui contient dans ses branches les cinq mains gravées des cinq membres super stars de Kassav’ (Jocelyne Beroard, Georges Décimus, Jacob Desvarieux, Jean-Philippe Marthely, Jean-Claude Naimro) est incrustée au Stade de France boulevard. 

Rappelons au passage que Kassav’ inaugure cette forme de distinction pour le genre musical. Avec celles de l’équipe de France championne du Monde en 1998, ce sont les seules mains de stars qui y figurent.

Une effective empreinte. Puisque depuis 2012, Kassav’ a son musée à la Maison du zouk à Luanda en Angola. Les étoiles du zouk ont leurs avatars en cire au milieu d’une immense collection (vinyle, laser, CD, K7, VHS, DVD…) de photos, de vidéos et d’objets de tout genre. 

Une empreinte sur laquelle les générations futures devraient méditer. Une enseigne que les générations futures devraient justement suivre. 

 

Un atelier, un laboratoire, un studio

Un atelier, sans doute petit mais avec un objectif élargi, le firmament du monde, un univers immense, une main vaste, un vouloir non las dont les générations futures devraient s’inspirer pour bâtir l’avenir. « Dans notre petit atelier ! Le plus petit canton de l’univers est immense, si la main est vaste, et le vouloir non las ! En avant, route ! » (40)

Un petit laboratoire rempli de grands miroirs incrustés aux murs  contenant des empreintes gravées de mains volontaires gantées-ferrées et qui arborent, partout, mille puissantes et persistantes expériences. 

Un petit studio plein à craquer avec sur le sol, un immense tapis, contenant des empreintes de pieds campés ou fourmillent mille ferventes fertiles formations. La trace d’un vouloir, l’empreinte d’une volonté, incarnant ce que nous sommes et ce que nous serons. 

 

L’affirmation d’une expression, le ressemblé d’une identité

Claudy Syar, fondateur de la radio Tropiques-FM s’exprime avec cette même émotion, quand il parle du premier Zénith de Kassav’ en 1985. La pertinence et l’efficacité de ses propos justifient ici la reprise de la  quasi-intégralité de sa longue intervention : 

« Kassav' c'est le trait d'union entre notre antillanité et notre africanité. Et il y a le premier zénith. Et moi je suis là, j'écoute ses chansons que je commence à passer à la radio. Et je suis dans une émotion que je ne peux exprimer là aujourd’hui. (…) C’est-à-dire que je pleure. J’ai les larmes aux yeux. Je pleure parce que identitairement j'ai le sentiment que le maillon qui me manquait, moi qui adolescent était déjà un militant. J'ai le sentiment que voilà la chaîne est complète et que désormais j'ai un groupe qui incarne tout ce que je suis, tout ce qu'il y avait dans mes tripes, tout ce qui était enfoui, tout ce que je ne pouvais pas exprimer. (…) Ce groupe l’exprime à travers une musique qui me ressemble à travers des textes qui me parlent et qui exprime ce que je suis. Et je me sens être le témoin privilégié de l’affirmation d’une identité, d’une révolution, de l’affirmation aussi de nos présences en France et puisque notre groupe est en train de devenir un groupe international, grâce à l’Afrique aussi, entre autres, eh bien, j’ai le sentiment que je rayonne, et lorsque je sors du Zénith, je bombe le torse, je ne suis plus le même homme, pardon je ne suis plus le même jeune homme. Et cela va changer ma vie. » (41)

Le sentiment de Claudy Syar est un sentiment généralement admis. Un sentiment pertinent en diaspora. Un ressenti admis par beaucoup. Un ressemblé partagé et justifié. En effet, Kassav’ a incarné, incarne toujours et incarnera pour longtemps encore l’expression de ce que nous sommes, le ressemblé de ce nous serons, l’affirmation de notre identité et de notre volonté et de l’affirmation de notre présence au firmament du monde. Kassav’ est un phénomène révélateur, fondateur.

 

Kassav’ ou l’utopie refondatrice

Kassav' est un bouleversement qui soutient les soubassements possibles du bâtir: construire les mythes fondateurs et les utopies refondatrices de notre identité antillaise, notre réalité créole, nos rêves. On peut le répéter à volonté, ce ne sera jamais assez. Démiurges et ténors du zouk sont chantres de la négritude, de l’antillanité, de la créolité. 

Bertrand Dicale, en fin musicologue, nous livre son étude sur le phénomène des musiques créoles, leur origine commune, leur créolité.  

« Sous le crime contre l’humanité va fleurir un des phénomènes culturels les plus féconds de l’histoire, la créolité. Par centaines, des genres musicaux originaux naîtront pendant plusieurs siècles sur plusieurs continents, définissant la majeure partie de notre paysage musical contemporain (…) toutes ces musiques ont en commun de n’être ni africaines ni européennes, ni seulement dominatrices ni seulement opprimées. Leur commune origine historique les unifie plus que tout autre caractère : elles sont créoles. » (42)

Cette créolité, ce métissage est un élément très apprécié tant par le public que par les musiciens célèbres et les spécialistes de la musique. Jocelyne Guilbault a déjà consacré plusieurs ouvrages et articles passionnants sur le sujet. Elle souligne ici l’originalité et la priorité de l’identité créole dans le projet zouk de Kassav’. L’hybridité créole comme une nouvelle base de civilisation. Ère tout à fait imprévisible. La colonisation non seulement n’a rien prévu, pire elle a tout fait pour interdire, enclaver le bâtir hors cadre des balises coloniales et raciales. Hors de la norme balisée, tout est classé impureté damnée, satanée. 

Les musiques et les danses créoles comme toutes les autres créations créoles (la langue créole par exemple) de portée culturelle, à valeur de civilisation sont victimes de la taxinomie coloniale. On assiste à la représentation de l’autre, pire à l’invention du sauvage. On calibanise. Nous l’avons vu avec la trajectoire croisée de la sarabande, andalouse, orientale, mauresque, aztèque, jugée impure, anathématisée, musique et danse du diable apprises aux sorcières pour ses plaisirs sabbatiques. Des condescendants du même ordre ont vu dans le zouk, le même danger. Parce qu’il est issu d’une hybridité de cultures, de races et de langues. Ce qui amène Gérald Désert, dans son livre, vers ce postulat suivant : « Quant à la culture zouk, elle trouve son existence entée sur la culture européenne. Elle est musique hybride. Elle coalesce l'apport africain avec la culture gréco-latine dans une forme hybride et synthétique, (…) » (43)

Un renversement brutal bouleverse cette taxinomie coloniale admise. Un glissement sémantique s’opère du monstre de l’hybride à une esthétique de l’hybride. L’insolence se magnifie alors en insolite dans la musique et la danse. La posture postcoloniale s’oppose au poste colonial, par une position culturelle, politique d’une nécessité idéologique pertinente et justifiée. L’autochtone cantonné au plus petit canton, au minuscule rocher se transforme en lumière d’univers et file au firmament du monde. L’archétype demeuré stéréotype, nu, obscène dans l’imagination européenne, en marge de la scène de la civilisation, s’habille d’une autre marginalité et d’un potentiel révolutionnaire pour bâtir une nouvelle civilisation. Les ravages de l’eurocentrisme, (pas réparés), sont abandonnés pour aborder des rivages périphériques et fixer un nouvel ancrage d’une puissante utopie refondatrice et prospective.

Ce basculement original, phénoménal, subliminal du contenu sémantique de la créolité s’élargit et s’élargira en de vastes divers.  L’hybridité diabolique opère une refonte en esthétique de l’hybride. L’impureté insolente maudite se régénère en poétique insolite, bénite. Caliban, calibanisé, se magnifie, se calibanifie : 

« What is original about zouk, however, is that it has given mitissage a new political meaning which has altered the criteria used in defining so-called "authentic" Antillean-Creole music. Prior to zouk, hybridity had long been associated with the "impure," the degenerate, and the inferior. The leading exponents of zouk have taken issue with this view inherited from the colonial regime. They have promoted metissage as a positive and enriching process and, by so doing, have rendered it legitimate. There are many ways in which zouk has allowed the recovery of Martinican and Guadeloupean specific histories. »  (44)

Ce basculement sémantique dote les musiques créoles de potentialités. Bertrand Dicale en pleine promotion, l’explique par ces mots : « Cette énorme ensemble de musiques qui est un moment de créativité des cultures populaires les plus extraordinaires, les plus denses et les plus féconds de l’histoire de l’humanité. »  (45)

L’Amérique-Caraïbe a produit tant de musiques et danses populaires. Citons les plus connues : souk et béguine antillais, rare et kompa haïtiens, son et rumba cubains, reggae et ragga jamaïcains, calypso dominicais, soca trinidadien, samba et bossa brésiliens, tango argentin, salsa latine, … 

 

Le zouk se transculturalise

Kassav’ a su inspirer de nouveaux styles de zouk (musique et danse) sur les pistes du monde : brasazouk, tendance brésilienne, kizomba, variante angolaise, kizouk, soigneuse, vertueuse version nippone. Japonais et japonaises, mêlés aux gaijin (étrangers du coin) en raffolent en boîte de nuit et en studio de danse dans le Tout-Tokyo. On l’apprend en studio et dans les écoles comme les autres danses (salsa, samba, tango), avec codes stricts et techniques précises, professeurs officiels et coach professionnels, spectacles et concours, mais, surtout, avec tenue et retenue, prudence et pudicité, pruderie et pudibonderie, circonspection et contrainte, convention et convenance, guiderope et cordage. Il m’arrive d’oublier l’origine de ma danse qui se transforme et se transmet, se transculturalise etse translate, ici, à l’international sous mes yeux émerveillés et déconcertés, mais ravis.  

 

Le zouk se décline …ou décline-t-il ?

Le zouk se décline en plusieurs styles du lent au rapide, du vif au cool.  Le célèbre zouk ballade en rythme crooneur, langoureux lento-latino propice à l’écoute cool et tranquille (ballade créole de Saint-Eloi)(46). Le fameux zouk love en rythme lascif, amoureux pour les couples. (Kolé Séré par le duo Béroard/Naimro(47) et le duo Béroard/Laville)(48). Le chauffeur zouk-béton ou le déchireur zouk-chiré, en rythme vif et acide pour allumer le feu dans les salles du monde entier et déchirer les foules des parades, vidés de carnaval (Siyé Bwa de Desvarieux)(49). Le délire, âme sensible s’abstenir, 120 pulsations/minute au compteur. Les générations suivantes ont aussi leurs styles soit plus doux, hyper sensuel, le zouk miel de Joëlle Ursull (Miyel)(50) ou plus hard rock, le zouk métal, l’urban zook du groupe Bamboolaz (Afolé yo)(51). L’imagination renouvelée en permanence, est alors corollaire du zouk. La variation (flux flou, flow fou) décline en zoukexotic, zoukerotic (cannelle, gingembre, vanille, piment, sucré, sensuel) et affole la toile. Jocelyne Guilbault note une influence singulière du zouk, à l’international, bénéfique pour la musique créole et la langue créole. Interprètes étrangers jouent, swinguent et chantent aussi en créole. « Un nombre impressionnant d’enregistrements zouk (ou d’influences zouk) par plusieurs artistes étrangers existe maintenant sur le marché, parmi lesquels Ada Katch de Saint-Martin, Shades of Black de Trinidad, Angélina Tezanou du Cameroun, Anthony, « le zoukeur blanc »de la France, (…). » (52)

Et d’autres, …Il me plait ici de citer le zoukeur antillais d’origine vietnamienne. Dinh VZ, avec le titre (Twa Kilti)(53), revendique sa créolité aux trois origines (Afrique, Asie, Europe), trois couloirs (noire, jaune, blanche). Mention pour la Japonaise Maya qui reprend admirablement en créole, pas un zouk mais l’immense standard traditionnel (Fanm Matinik Dou)(54), biguine latine du martiniquais Francisco à partir de la version de Kali. 

 

Les zouks ne se ressemblent pas, ne s’assemblent pas

Tellement de styles apparaissent et disparaissent qu’il faudrait parler des zouks pour mieux cerner le phénomène de la production zouk : « Pour situer le zouk de manière adéquate, il nous faut, en fait, parler de cette musique en utilisant le terme « zouk » au pluriel, car au cours des dernières treize années de son existence - si l’on situe son émergence au moment de la formation du groupe Kassav - c’est bien de plusieurs sortes de zouk et de phénomènes différents qu’il s’agit. » (55)

Cependant tous les zouks ne se ressemblent pas, ne s’assemblent pas. Comme partout et comme pour tout, il y a du bon et du mauvais, du brut et du raffiné, du simplifié et du compliqué. Il faut savoir éviter l’écueil de l’amalgame. Il faut pouvoir éviter le mauvais mixage de tous les styles, le minable moulinage de tous les genres, le maladroit malaxage de tous les artistes. Et dire : déjà vu, c’est la même chose ! « L'amalgame est vite fait quand on regroupe toutes les créations de zouk dans la même nasse, comme pour balayer d’un revers de manche, une musique qui dérangerait à bien des égards. »(56)

 

Le zouk déclive

Le zouk déclive traditionalistes et modernistes. Cadence épouse ka. Mazurka et mazouk font bon ménage. Ti bwa et clavier fusionnent. L’afro-beat, la version Kassav’ revient dans la vie des stars africaines. Le zouk-RNB séduit les stars américaines. Kassav’ donne sa touche latine (Une toque latino) à ses grands tubes pour s’imposer face aux succès des stars latino-américaines, interprètes de ces mêmes tubes.

La démarche consciencieuse et le génie exigeant des fondateurs ont donné nouvelle vivacité et vitalité moderne aux musiques traditionnelles de la Caraïbe (gwo-ka, bèlè, calypso, rumba, bossa). Musiques de rue, de carnaval (mas à Saint-Jean) sont représentées par le solide tambour Ka, pas solitaire du tout, mais accompagné par les solidaires répondeurs. 

Le résultat est une vraie révolution musicale et technique, en douceur. Les sons traditionnels ont convenablement traversé la grande révolution technologique mondiale de l’époque. Synthétiseurs et boîtes à rythmes, rappelons-nous, n’avaient pas bonne presse face aux instruments locaux. Sons traditionnels harmonieusement synthétisés. C’est la démarche Kassav’ qui séduit. Le public succombe et la puissante section cuivre l’a totalement ravi. La sonorité moderne des nouvelles harmonies instrumentales l’achève. Le rythme enflamme les Antilles qui adhèrent à la démarche Kassav’. 

Jacob Desvarieux et les autres ont suffisamment expliqué les raisons de cette totale adhésion du public de la Caraïbe et de la Diaspora.  Leur démarche n’était pas uniquement musicale, elle était aussi et d’abord identitaire, populaire, politique et intellectuelle. Bâtir une musique caribéenne moderne avec tout ce qui s’écoute et qui se danse dans la Caraïbe et autour d’elle, dans sa cordiale sphère géographique et culturelle. 

Et c’est déjà immensément complexe et diversifié (cadence, ka, bèlè, biguine, salsa, compa, rumba, funk, soul, reggae). 

 

Le zouk touche le grand musicien Miles Davis 

C’est au coeur même de cette complexité et de cette diversité que se trouve les émotions et les conditions d’une musique qui touchera aussi les plus grands musiciens de ce vaste monde, au premier rang desquels il nous plaît de citer, l’immense musicien de jazz, Miles Davis : 

«They do a rythme called zouk, the style they call zouk. They put samba and different things, black rythmes, part african, me, you don't have to be an african to play that, but you have to be so, a touch of it, you know, but I told Marcus I gave him a record of Kassav, you've ever hear that group? A friend of mine is doing a book with me, he went to Haiti and came back, and listened to this, and they have a french brass section, it sounds african-cuban but, they put samba and rumba together, plus sort of an african beat, and a contemporary rock beat, and it sounds good. » (57)

Cette phrase est si célèbre qu’elle a encensé Kassav’ et a jouésans doute un grand rôle dans le succès international de Kassav’ et dans la reconnaissance du zouk comme musique sérieuse, professionnelle, capable de toucher et d’influencer les plus grands de ce vaste monde. Miles est l’immense artiste à l’écoute précise, l’appréciation difficile, le vif ressenti de ce qui est juste et bon. S’il est toujours bon de revoir cette entrevue, reprise récemment dans Kassav' 40 ans d’histoires (58), documentaire de Benjamin Marquet, augmenté de l’interview de Miller, directeur musical de Miles et d’une traduction française. Aujourd’hui, il convient de remonter le temps pour découvrir les conditions et les émotions du grand Miles quand il découvre Kassav’. Le livre qu’il annonce dans l’interview, c’est sa biographie qu’il écrivait avec le journaliste-poète-professeur Quincy Troupe, dont il fait allusion en parlant d’un ami parti en Haïti et revenu sans doute avec un disque de Kassav’. C’est donc Quincy Troupe qui fait découvrir Kassav’et le zouk au grand jazzman. 

Découvrons les conditions et les émotions de cette découverte publiédans l’autre livre de Quincy Troupe sur Miles. Si longue citation, mais si émotionnelle : 

«While Miles was endlessly contradictory in his life, most of the time he was completely consistent in the quality of the music he played. When it came to music, he was almost always on the mark, on his mark. He knew what he liked and disliked as soon as he heard it and he seldom wavered once he had made up his mind. I remember bringing by the music of Kassav for him to listen to one afternoon when he was feeling down. Kassav is a West Indian band whose members are mainly from Guadeloupe and Martinique. They lived in Paris then and were playing a form of Caribbean music called “zouk”. As soon as he heard them, Miles almost jumped out of his skin with excitement, leaping up from the couch he was lying on and yelling. “Who is that and what are they playing?” He snatched the CD cover out of my hand and tried to read the liner notes, but he couldn't because they where in French. Kassav’music completely freaked him out, and after borrowing the CD from me and listening to it for three days, he directed Larry Blackmon and Marcus Miller to write something for the album they where working on based Kassav’rythms and feeling. That album eventually turned into Amandla. »(59)

Marcus Miller confirme la passion de Miles Davis pour le zouk et pour Kassav’ et l’influence réelle et solide du zouk sur leur musique. (Catembé) de l’album (Amandla)(60) est le titre et l’album parfaits pour marquer cette solide influence, faire ainsi honneur aux Antilles et rendre aussi hommage à l’Afrique, combattante et courageuse. Catembé, ville historique de lutte sur la baie Maputo au Mozambique. Amandla, cri de libertéen swahili, dans l’Afrique du Sud de Mandela.

L’album Amandla a la couleur et l’écho, le son et l’effet de Kassav’: « Amandla has splashes of guitar and synthetizer colors patched into the group sound that echo Kassav's wide use of the guitar, electric bass, and  synthetizer. It’s a subtle effect but it's there underneath it all » (61) Miller poursuit la fascination avec cet aveu sur Kassav’, insistant sur l’approche historique, la connexion culturelle, l’ouverture au monde, et, l’admission du groupe, du zouk dans le coeur de grands musiciens. « So I was working with Miles Davis, one day he calls me and he says, man, great music, a group called Kassal, I said Kassal? how do you spell it, I don't know, he says just find out about it. It's bad! I've never heard of them and I eventually found out Kassav. And it was incredible. And I said by the way, Miles, they are called Kassav with a V at the end. You know. We took some elements and used it on an album, that was Kassav's influence. But from that point, now I know Kassav, you know myself, they are one of my favorite groups, you know, and I got to admit I didn't know until then, but eventually. It's just a wonderful thing. It opens you up, and you learn about caribbean, you learn about an african connection to the french caribbean and it opens up a whole world » (62)

Dans la biographie écrite avec Quincy Troupe, Miles désigne la musique de Kassav’ comme la musique du futur au même rang que celle de Prince, Fela, d’autres musiciens africains, brésiliens non cités: « I think Prince's music is pointing toward the future, that and a lot of what they're doing in Africa and the Caribbean. People like Fela from Nigeria and Kassav from the West Indies. » (63)

Bertrand Dicale rapporte la suspicion des journalistes français frôlant la condescendance : « Le zouk, c'est français, mais pas assez pour certains. Et puis, la musique en elle-même n'est pas comprise, déconsidéré. Quand Miles Davis encensait Kassav' dans une interview, les journalistes pensaient que celui qui l'avait retranscrite s'était planté qu'il avait mal compris. 

Certains ont même reposé la question Miles Davis pour être sûrs. » (64) Miles a expliqué l’évolution de sa musique. Sa distance d’un jazz, de plus en plus élitiste et devenu trop classique : «“Jazz today is closer to classical music than it is to folklore music, and I’d rather stay closer to folklore music.”»(65) Sa nouvelle direction musicale trouve corps dans le zouk et d’autres styles pour la fusion le plus parfaite et l’évolution de sa musique, son jazz : « Miles wanted jazz to continue to evolve, so he married funk, rock, pop. blues and classical European music with rap, zouk, reggae and sounds from Brazil, Africa and East India. »(66)  Curieusement, pour cette fusion créole, il est sévèrement vilipendé: « Both his Musical theory and his sound were more African than European. He was vilified for this, for moving into the music rooted in group dynamics, such as rock and zouk rather than staying with only Western-oriented jazz, which depends more on individual inspiration and improvisation. »(67)

 

Kassav' influence d’autres grandes stars internationales et locales

Kassav' a influencé beaucoup de stars internationales et aussi locales. Le chanteur américain Jimmy Buffet avec l’anglais Steve Winwood aux claviers refont (Kolé séré) dans l’interprétation (Love and Luck). Aris Garcia et Rogo Dominguez en donnent de chaleureuses versions. Margaret Menenez du Salvador, de (Mwen Malad’w) dit (Marmelada). Chayanne de Puerto Rico, redit (Syé Bwa) en (Este Ritmo Se Baila Así). L’anglophone caribéenne Tamara est langoureuse et soft sur (Kryé). Ana Gabriel du Mexique transforme (Rété) en (Hice Bien Quererte). Sergio Vargas rue (Kay maman la tè kay tremblé) en (La tierra tremblo). Saint Margaret's Steel explose (Zouk La Se Sel Medikaman Nou Ni), pour nous rappeler les steel band d’Andy Narell sur ce même tube. Les allumés du Bidon, steel band de Laval dynamisent (An Mouvman). Feat, cover, versions, d’artistes africains et antillais sont si nombreux. En citer plus, c’est risquer d’en oublier et de trop allonger cet article. Cependant, pour conclure ce point sur l’influence, il faut mentionner l’influence non déclarée, non reconnue, non reconnaissable à l’oeil nu. Avec l’oeil perçant, le collègue « Gérald Désert repère l'influence du zouk chez Michael Jackson (They Don't Care About Us) et Justin Bieber (Sorry). »(68)  L’audace en retour pour Kassav’ serait de faire des versions zouk en créole de leurs propres titres avec des clips et danses à hauteur du défi. Remix, feat, versions témoignent d’une fabuleuse trajectoire de tubes : Sweet Florence, Soleil, Eva, Oh Madiana, Kolé séré, Darling, West Indies, Gorée, Siwo, Mové jou, Filé zétwal, Kryé, Pa bizwen palé, Bel kréati, Anba latè, Siyé Bwa, Mwen malad’w, Zouk la sé sel médikaman nou ni, Laisse parler les gens, A foss, … d’une fantastique odyssée d’albums du groupe, en solo et en best of, de Love and Ka Dance à All U need is Zouk, d’un parcours phénoménal de méga-concerts dans le monde du premier Zénith à la croisière Kassav’. 

 

Tellement d’espaces vierges des plaisirs Kassav'

La prochaine décennie sera-t-elle la décennie des records pulvérisés? Les prochaines années seront-elles les années des nouveaux records? Parce qu’il reste tellement d’espaces vierges du phénomène Kassav’. Un postulat est à émettre, un constat est à établir pour conquérir de nouveaux publics sur tous les continents, dans tous les océans et mers. L’Afrique de Kassav’ demeure encore essentiellement francophone. En dehors de l’Afrique du Sud, Azanie de Nelson Mandela (Amanda), du Cap Vert, terre mélancolique de séparation, nostalgique d’exil de Cesaria Evora (Saudade) et du Cameroun au particulier bilinguisme (anglais/français) (officiel) mais francophone dans les (offices). Espérons que les prochaines années amèneront Kassav' vers le Sud. L’Asie demeure encore à découvrir par Kassav’: d’abord l’espace francophone (Cambodge, Laos, Vietnam), Inde (Pondicherry, Madras). Puis, l’événementiel musical est tendance dans ces mégapoles prospères de la nouvelle grande Chine (Pékin ou Beijing, Canton ou Guangzhou, Nankin ou Nanjing, Shanghai, Guilin, Hangzhou, …), ouvertes à une certaine altérité libérale et récente alternative culturelle. La Chine tripartite (Pékin, Hong Kong, Taïwan) est une opportunité. C’est que le zouk y est connu et même joué (voir le titre Chacha(69)). Nouvelle route de la soie, nouvelle route du zouk. Et pourquoi pas ? On devra déplorer par avance les plus belles mauvaises langues qui viendront, sur ce sujet, faire des remarques sur le Correct Politic. Kassav’ rétorquait par avance, dans l’émission Taratata (70), en 1993 que s’il fallait en tenir compte, il n’irait pas dans beaucoup de pays. L’Europe du Nord, dite occidentale, s’affiche nettement au compteur des destinations de Kassav’. L’Est, dite orientale, s’ouvre avec une francophonie élargie et une belle jeunesse assoiffée de bonne musique. Statut francophone, francophile ne sont pas des critères pas dans le choix des pays. L’océan Pacifique et l’océan Indien se limitent aux seuls territoires ultramarins francophones. D’autres belles terres, d’autres grands pays, (l’immense Australie et la Nouvelle Zélande) restent alors àconquérir. Gardons lucidement l’espoir intact de virées utopiques refondatrices !

 

Conclusion 

Il y avait, hélas, l’obstacle et l’absence d’une certaine presse. Tant pis. Il y a, heureusement, la justesse et la justice d’une autre. Tant mieux. Dans l’Humanité du 14/03/2019, on pouvait lire l’article intitulé à juste titre : Et de Kassav’ naquit le zouk : «Il y a 40 ans, trois compères fondaient un groupe qui allait changer la face de la culture antillaise et créer un genre musical nouveau, le seul inventé en France depuis l’après-guerre : le zouk. C’était en 1979, un temps où l’affirmation de l’identité créole n’allait pas de soi.»(71)

J’ai dit comment par impétuosité et intrépidité, impulsivité et apprêté, faculté et maturité, vivacité et vitalité, longévité et solidité, Kassav' est parti à la conquête du monde et des records et a réussi son pari. Kassav’ est donc une puissante isotopie du bâtir-séduire-conquérir. Kassav’ est alors plus qu’une belle aventure, c’est une conjecture. Kassav’ est une ambition, mais aussi une anticipation, une projection. 

Filé Zétwal et merci de nous dire, tel Aimé Césaire, le fondamental : «et il y a place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne de notre terre éclairant la parcelle qu’a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite. (…) »(72) Filé Zétwal et merci de nous dire, tel Edouard Glissant, le vrai réel : « enfer sans saison. D’où il faut pour chacun que lève le Soleil de la Conscience. »(73) Filé Zétwal et merci de nous offrir, tel Pierre Edouard Décimus, ce Soleil(74). Et tant d’autres tubes lumineux pour éclairer nos pas et réchauffer nos coeurs partout dans le monde.(75)

Références (bibliographiques, filmiques vidéographiques, scéniques, sitographiques, discographiques, médiatiques, ...) 

(en informations complémentaires) 

 

Notes

01/ Mahakari, « Jocelyne, Mi tchè mwen », documentaire, France, 2017 (28.00~).

02/ Ibid., (29.30~).

03/ Désert (Gérald), « Le Zouk : Genèse et représentations sociales d'une musique populaire », Anibwe éditions, 2018.

04/ Ibid., p. 61.

05/ Ibid., p. 108.

06/ Ibid.

07/ Ibid.

08/ http://snepmusique.com.

09/ Mahakari, Op.cit., (31.00~).

10/ Miclet (Brice), « Le zouk, victime des préjugés de la métropole », in 0bs/Rue89, 25/10/14.

11/Désert (Gérald), Op. cit., p. 117.

12/ Dicale (Bertrand), Site de Kassav’: http://www.accent-presse.com/IMG/pdf/-182.pdf.

13/ Grenier (Line), Guilbault (Jocelyne), « Créolité and Francophonie » in Music : Socia-Musical Repositionings Where It Matters Zouk and the Quebecois Mainstream as Narratives of Alliance », 2006, p 376.

14/ Guilbault (Jocelyne), « Musique et développement: le rôle du zouk en Guadeloupe », in Musique et Politique, Alain Darré (dir.), Presses universitaires de Rennes, 1996, p.305-321.

15/ Mahakari, Op. cit.  (30.27~).

16/ Dicale (Bertrand), Site Kassav’: http://www.accent-presse.com/IMG/pdf/-182.pdf.

17/ Kassav’, « Love and Ka-dance », # B2, in Vinyle Kassav, Love and Ka-Dance, Label FM Productions, 1979.

18/ Kassav’, « Filé zétwal », # 4, in CD Kassav Anba chenn la, Label GD Productions, 1985 (double disque d’or).

19 Décimus (Georges), Desvarieux (Jacob), « Zouk-la sé sèl médikaman nou ni », # A3, in Vinyle Kassav Jacob F. Desvarieux / Georges Décimus -Yélélé, Label GD Productions, 1984.

20/ Désert (Gérald), Op. cit., p. 112.

21/ De Mariana (Juan), « Tratado contra los juegos públicos », Manuscrit, Biblioteca Digital Hispánica, 1609.

22/ Miege-Cotgrave, 1688.

23/ Leclercq (Jules), « La Terre de glace, Féroë, Islande, les geysers, le Mont Hékla », Paris, Plon, 1883, p. 29.

24/ Desvarieux (Jacob) et Décimus (Georges), « Kavalié o dam », # B1, in Vinyle Kassav Jacob F. Desvarieux / Georges Décimus -Yélélé, Label GD Productions, 1984.

25/ Béroard (Jocelyne), « Siwo », #5, in CD Jocelyne Béroard-Siwo, Label GD Productions, 1986.

26/ Saint Prix (André), « Lélé », #A1, in Vinyle Dédé Saint Prix, Label GD Productions, 1983.

27/ Dumas (Alexandre), « Les trois mousquetaires », Paris, Baudry, 1844, T. VIII, p.144.

28/ Handel (Georg Friedrich), « Sarabande », HWV 437, 1733.

29/ Jean-Baptiste-Édouard (Roland), « Fernand Donatien, le triomphe de la chanson créole », Martinique, K Editions, 2014, p. 35.

30/ Désert (Gérald), Op. cit., p. 43.

31/ Ransay (Max), « Dame que j’aime », #7 in CD Max Ransay, À l’ombre d’un géant, Label Hibiscus record, 2006.

32/ Segalen (Victor), « Essai sur l’Exotisme », Paris, Fata Morgana, 1978 « Le divers décroit, c’est le grand danger ».

33/ Ibid.

34/ Miclet (Brice), Op. cit.

35/ Ibid.

36/ Palcy (Euzhan), « Siméon », France, Saligna Productions, Club Investissement Média, France 2 Cinéma, Canal+ 110 min, 1992.

37/ Césaire (Aimé), « La Tragédie du Roi Christophe », Paris, Présence Africaine, 1963 (AI.Sc6).

38/ Mahakari, Op. cit.,  (28.00~)

39/ Dicale (Bertrand), « Ni noires, ni blanches : histoire des musiques créoles », Éditions de la Philharmonie, 2017.

40/ Désert (Gérald), Op. cit., p. 57.

41/ Grenier (Line), Guilbault (Jocelyne), Op. cit, p 376.

42/ Dicale (Bertrand), Philharmonie de Paris, https://www.youtube.com/watch?v=s_xzrtCjo28.

43/ Saint-Eloi (Patrick), « Ballade créole », # 3, in CD Patrick Saint-Eloi-A la demande, Label GD Productions, 1984.

44/ Béroard (Jocelyne)/Naimro (Jean Claude), « Kolé Séré », # B2, in Vinyle Jocelyne Béroard With Kassav, Label GD Productions, 1986.

45/ Béroard (Jocelyne)/Lavil (Philippe) « Kolé Séré », #1, in CD, Philippe Lavil, 1987.

46/ Desvarieux (Jacob), « Siyé Bwa », #A1, In Vinyle Kassav- Vini Pou, Label Epic, 1987, disque d’or et disque de platine.

47/ Ursull (Joëlle), « Miyel », #1, in CD *Joëlle Ursull- Miyel, Label Epic International, 1989.

48/ Bamboolaz, « Afolé yo », #1, in CD Bamboolaz-Urban Zook, Label Bamboolaz BAM 202, 2010.

49/ Guilbault (Jocelyne), « Musique et développement : le rôle du zouk », … Op. cit., p. 305~321.

50/ Nguyen (Dinh), Dinh VZ Viet Zoukeur, « Twa Kilti », # 1, Twa Kilti, 2013.

51/ Maya, « Fanm Matinik Dou », Fanm Matinik Dou, 2009 (En réunion de travail, elle précisé qu’elle aimait la version du duo Hill (Axell) et Thamar (Ralph), Kali, vol 5, 2007). Elle interprétera des tubes de Kassav’ au prochain Festival International du Zouk, 2020.

52/ Guilbault (Jocelyne), « Musique et développement: le rôle du zouk … », Op. cit., pp. 305~321.

53/ Désert (Gérald), Op. cit., p. 34.

54/ Miles Davis, Interview 1988 in https://www.youtube.com/watch?v=KllwtKMtYTA, (8.30~).

55/ Marquet (Benjamin), « Kassav’ 40 ans d’histoires », Caméra One Télévision, France Télévisions, 2019.

56/ Troupe (Quincy), « Miles and me », University of California Press, Berkeley, 2000, pp. 57-58.

57/ Davis (Miles), « Catembé », #1, in CD Miles Davis-Amandla, Label Warner Bros. Record, 1989.

58/ Troupe (Quincy), « Miles and me », Op. Cit., p 155.

59/Miller (Marcus) in https://www.facebook.com/Deejay.dokke/videos/2360288057388720/UzpfSTQ0NDY2Mzg0MjMxMTEyMDoyMjM4NDE4MjE2MjY4OTk4/ (0.45~).

60/ Miles: The Autobiography of Miles Davis with Quincy Troupe, Touchstone Book, 1990.

61/ Miclet (Brice), Op. cit.

62/ Carr (Ian), « Miles Davis »,  A biography, Quill, NY 1984, p.205

63/ Troupe (Quincy), « Miles and me », Op. Cit., p.87.

64/ Ibid., p.165

65/ Delaye (Eric), Op. Cit.

66/ Wen-Chun (Tang), Gertrude (Gérald), Chacha, « Chinese Zouk », Taiwan, 2011.

67/ Kooning (Benjamin), « Et de Kassav’ naquit le zouk », in l’Humanité du 14/03/2019.

68/ Césaire (Aimé), « Cahier d’un retour au pays natal », Présence africaine, 1971, p.141.

69/Glissant (Edouard), « Soleil de la conscience »,  Poétique I, Gallimard, 1997, p. 67.

70/ Béroard (Jocelyne), « Soleil », #A3, In Vinyle Kassav’- Lagé mwen, 1980.

71/ Fuji Scène Francophone utilise la musique caribéenne pour ses spectacles au Japon. Pour La tragédie du Roi Christophe, 2004, d’Aimé Césaire : Soleil Danmbalab #1, Dey #6, in Toto Bissainthe chante Haïti, 1989. Koda #1, in Beethova Oba-Pa Prese, 1996. Papillon vole #19, in Mimi Barthélémy-Chantez, 1996. Shango #11, in Lazaro Ros, 1990. Pour Le mangeur de frissons, 2004 et L’odyssée de l’étrange, 2009, d’après les contes de Lafcadio Hearn: Soucougnan #B2, in Kassav’3, 1981. Nocturne Tropical #B3 in Kassav, 1982. Boum Boum #12, in Creole Swing 1965-1975, Pierre Louiss, 1995. Célestin #4, in Sang Mêlé, Eddy Louiss, 1987, musique Albert Lirvat. La sirène #11, in Mizikopéyi, 2008, chant Tony Chasseur, arrangement par Paco Man’ Alma, de Loulou Boislaville. Pour Salsa sur Seine, 2007~2009 d’après le film de Joyce Sherman Buñuel/Jean Claude Carrière, 2000 : Tres Palabras #4, in Alma Y Corazon, Ralph Thamar/Mario Canonge, 2005. Synthétisé #10, in Best of Dédé Saint-Prix, arrangement de Thierry Vaton, 1993. Pour Une Tempête alternative 2010 ~ 2013, d’après William Shakespeare/Aimé Césaire : Siyé Bwa, Op.Cit., Freedom Morning #13, in Roots, Kali, 2006. Aimé Césaire #13, in ZigZag, Eric Virgal, 2002. Ven en lévé, #A4, in Gratien Midonet-Ven en lévé, 1979, … (Voir les mini-vidéos et les liens Youtube sur http://fujiscenefrancophone.web.fc2.com).

 


Louis Solo Martinel
Université Waseda, Fuji Scène Francophone, Exote International

louissolomartinel@gmail.com 


12/2018

■Paul Claudel, lecteur de Lafcadio Hearn

En guise d’introduction

Les très anciens comme les plus récents spécialistes de l’oeuvre magistrale de Paul Claudel gomment souvent la trace de l’écrivain voyageur Lafcadio Hearn dans, ce qu’ils nomment, la genèse poétique du poète ambassadeur. La doxa autorisée ne se contente pas d’ignorer l’auteur greco-irlandais - qui, certes, n’est pas dans la pléiade des influences formatrices, séminales, théologiques, mais en index des noms et titres des oeuvres complètes et au catalogue de la bibliothèque de l’auteur français - elle réduit aussi l’estime de Claudel envers Hearn, aux notes glissées en raccourci, ellipse, avec ironie affectueuse, àlinspiration dans son Journal, sa Prose et sa Correspondance diplomatique. Figurer en index et au catalogue ne constitue pas un argument. On replongera dans le Claudel des textes et des études. On remontera Hearn aux yeux d’une doxa convertie qui l’éclipse. On insistera sur les thèmes et les motifs communs aux deux auteurs. On découvrira la poétique cordiale par laquelle l’auteur de LArt poétique nomme l’auteur de Kokoro : « Figure de déséquilibré, du visionnaire, poète, voyant, mal voyant », l’élève et le révèle à façon : « Muse iridescente ». On identifiera lironie affectueuse à la parenthèse (rires) qui ne s’entend pas mais qui authentifie la couleur et l’accent des propos d’un Claudel plein d’humour. Ne dit-il pas caché l’estime du coeur ? Comment rétablir cette considération aux yeux des claudéliens ? Comment établir ce que l’on espère pouvoir appeler, la trace hernienne ? Paul Claudel, lecteur de Lafcadio Hearn est une piste audacieuse, difficile mais pertinente en pleine période commémorative autour des deux auteurs les plus connus, adorés, honorés au Japon. Pourquoi cette vénération ? Notons, au coin du hasard objectif, que Claudel commence son Journal en 1904, année de la mort de Hearn, et il se termine naturellement en 1955, année de sa mort.

La genèse poétique de Paul Claudel est complexe comme , pour reprendre la formule classique des surréalistes. Au témoignage, le jeu hallucinant et fabuleux des sous-titres métaphoriques des deux magistraux volumes de la thèse de Didier Alexandre : Genèse de la Poétique de Paul Claudel « Comme le grain hors du furieux blutoir »[1], Paul Claudel, du matérialisme au lyrisme«Comme une oie qui clabaude au milieu des cygnes»[2].

Vivre et/ou revivre la diversité générique et la multiplicité génétique de Paul Claudel est une sacrée aventure. Remonter l’oeuvre ; itinéraire original et source vitale, langue originelle et lait maternel, graine végétale et semence animale, lecture abyssale et expérience laminaire, dialogue d’initiés et bavardage initiatique ; est aussi un jeu complexe de tris, de tamis, de cris au coeur d’une crise personnelle et spirituelle. Claudel part et parle de toutes ces sources multiples comme autant d’influences formatrices, séminales, théologiques.

Dégager la trace hernienne dans l’oeuvre de Claudel est rude, surtout quand on n’est ni spécialiste, ni passionné de sources multiples et de sommes massives claudéliennes. L’auteur est silencieux, passager, léger, elliptique sur cette trace. Nous sommes alors réduits aux simples hypothèses et exposés à la sévère doxa officielle.

Suivons alors, la traçabilité ascendante des thèmes de Paul Claudel depuis ses multiples dispersions jusqu’à l’iris : fil de La tisseuse céleste, culte dAmaterasu, lumière éclatante de La lampe, La lanterne, La porcelaine, sonorité vibrante de La cloche d’où jadis s’échappa Le soulier, tragédie cosmique de La voix lactée (Tanabata) d’où coule Linfranchissable lait qui sépare et sacrifie Les deux amants stellaires.

Claudel elliptique de Hearn

Claudel ne cite pas Hearn dans ses longues listes d’auteurs qu’il établit dans Journal, Prose, Correspondance,   Listes d’une taxinomie redoutable, mais douteuses du temps, n’étant pas exhaustives, elles rallongent, raccourcissent du matin au midi extrême-oriental, de l’après-midi au soir anglo-saxon, en fonction des lectures, découvertes et voyages du poète-ambassadeur. On trouve une première liste classique, plutôt européenne, très française, assez précise (date, âge) « Les livres qui ont influencésur ma formation littéraire »(J1, p.643-644). D’abord les romans de Victor Hugo (12 ans), Goethe (16 ans), Flaubert, Leconte de Lisle, Baudelaire (18 ans). Puis Rimbaud, en 1896 qui cause le bouleversement (désir de fuite et de voyages) et indirectement la conversion. Et, Shakespeare, Eschyle, Dante, Virgile, Horace, Sénèque, les tragiques, classiques latins, Dostoïevsky, Bossuet. Plus tard en 1900 Suares, Pindare. Sa formation religieuse doctrinale commence par la Métaphysique d’Aristote se termine avec les Sommes de Saint Thomas d’Aquin. Enfin, Mallarmé, Verlaine, Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans, Schwob, Renard, …

On trouve une seconde liste très anglaise dans le discours Un après-midi à Cambridge (Pr, p.1321)qu’il prononce lors de son honoris causa. Il rend hommage aux écrivains anglais en ces termes passionnants «…lamour que jai eu toute ma vie pour la poésie et pour toute la littérature anglaise, qui fut toujours pour moi un champ infiniment profitable et délectable dexploitation et dentrainement. Je ne puis les comparer, à ce point de vue, quaux deux grandes littératures dAthènes et de Rome. »(Pr, p.1324). Shakespeare tout de suite. Puis, Milton, Keats, Coleridge, Tennyson, Coventry, Patmore, Thompson et un peu Blake, Shelley, Rossetti, Browning. Ensuite des auteurs lus dans ces fameux clubs de ports, Kipling, Conrad, Poe, et, moins connus Wells, Benett, Benson, Hardy. Ses longs séjours en Amérique, en Chine, au Japon, en Indochine sont imprégnés de livres anglais restés ouverts dans sa mémoire «comme salés avec le sel des sept mers. »(Pr, p.1325). Hearn aurait pu alors y être intégré.

Hearn oubliédes claudéliens

Survolons plusieurs générations de claudéliens. Ceux de la première heure comme Raymond Jouve qui en 1945 publie Comment lire Claudel [3], petit manuel destiné aux étudiants de France. Puis, Jacques Petit, fondateur en 1964 de la Série Paul Claudel dans La revue des lettres modernes et ses brillants collaborateurs qui ne mentionnent pas Hearn, ni dans le tout premier numéro Paul Claudel, quelques influences formatrices [4], ni dans la longue série qui suivra. Le dernier numéro (19) paru en 2005, Paul Claudel, théâtre et récit [5], malgré la présence de nouvelles plumes, Exit Hearn ! Didier Alexandre dans ses ouvrages cités plus haut, confronte en la théorie de la co-naissance de Claudel, thomisme, matérialisme, spiritualisme, positivisme contemporain qui formulent sa poétique absolument moderne. Le dialogue incessant avec les philosophes Aristote, Saint Thomas d’Aquin, Taine, Kant, Schopenhaueret les écrivains contemporains fait le livre. Aucune remarque sur Claudel, sinistre et cynique, regrettant Hearn, se disant disciple de Spencer. Dominique Millet-Gérard qui s’attache à l'imprégnation biblique, liturgique, à la grandeur d'un art chrétiende l'écriture claudélienne, dans Étude d'esthétique spirituelle[6], et Claudel thomiste ? [7], ne cite pas Hearn non plus. Shinobu Chujo et son équipe de spécialistes dans les travaux Poétiques et esthétiques, XXe-XXIe siècle [8], propose une chronologie quotidienne du passage de Claudel au Japon. Des informations et connaissances du poète diplomate aux archives ministérielles françaises et japonaises, des oeuvres aux extraits de presse, tout converge pour révéler son questionnement du Japon spirituel à travers hommes, traditions, temples, jardins bouddhiques. Hearn, ici encore est passé sous silence, sinon pour rappeler encore l’ironie amère de Claudel « Les quelques objets ayant appartenu à linfortuné Lafcadio Hearn mont spécialement intéressé. »(C.D, p. 319). Et pourtant, précédent Claudel, Hearn fit les mêmes pas exotiques, eut le même frisson religieux à Yokohama, Matsue, Nikko, Tokyo, Kyoto, …Les travaux de Moriaki Watanabe plutôt en japonais et sur le No, Kabuki, concernent moins Hearn. De même que les travaux de Hourriez, Macé, Kaes, …qui sont des perspectives qui se limitent, s’ouvrent, se referment à Claudel.          

 

Retrouver Hearn

Face à l’oubli, heureusement, certaines voix parlent de cette trace hearnienne et tentent enfin de la remonter. Ainsi, nous avons relevé les deux travaux de Gilbert Gadoffre. L’article Claudel et Lafcadio Hearn dans Studies in Modern French Litterature [9] et l’ouvrage lUnivers chinois [10]Sukehiro Hirakawa revient sur la question dans les revues qu’il dirige, Japan in comparative perspective, Japanese Culture in comparative perspective [11]et dans son livre À la recherche de lidentité japonaise, le shintô interprété par les écrivains européens[12]. Il y consacre, alors, Le pays de Kami, le Japon de Hearn et Claudel, Du Japon exotique de Loti au Japan spectral de Hearn, trois chapitres pour aborder la trace hearnienne chez Claudel et comparer leurs pas exotiques et frissons religieux. Antoinette Weber-Caflisch approche les thématiques de La cloche, La lampe dans deux études sur le Soulier de satin de Claudel, Edition critique et Dramaturgie et Poésie, essai sur le texte et l'écriture, publiées par les Annales littéraires de luniversitéde Besançon en 1987 [13]. Et citons enfin un article de James Lawler, Poésie et vibration : «La Cloche »de Paul Claudel publié dans Revue dhistoire littéraire de la France en 2004 [14].

Pour retrouver Hearn dans Claudel, remontons les oeuvres de Hearn qui comportent des thèmes chers à Claudel et démontrons l’influence éventuel du premier sur le second. Une belle aventure audacieuse qui casse les poncifs. Hearn publie en 1887, Fantômes chinois contenant (L’âme de la grande cloche, La légende de la tisseuse céleste, Lhistoire du dieu de la porcelaine), des légendes qui ont sans doute retenu l’attention de Claudel qui publie en 1905, Connaissance de lEst contenant (La cloche, La délivrance dAmaterasu). L’avancée de nos recherches ne nous permet pas d’apporter plus de précisions. Notre base probante et probable demeure l’oeuvre de Claudel (note, journal, texte, …). Ce qui est sans doute plus fiable aux yeux des claudéliens.

Deux livres de Hearn sont répertoriés au catalogue de sa bibliothèque : Gleanings in Buddha-Fields, Leipzig, Tauchnitz, 1910, 286p., (découpé sauf quelques pages) et Kwaidan, Leipzig, Tauchnitz, 1907, 255+32p. (découpé) (Catal, p.73). Il semblerait qu’il ait lu entièrement Kwaidan et partiellement Gleanings.

La note du J1 concernant Spencer laisse à penser qu’il ait aussi lu Japan, An Attempt at interpretation et quelques livres cités plus bas, manifestes de la grande passion entomologique de Hearn. Sinon, comment peut-il le savoir ?

La note du C.D concernant l’exposition de 1924 en l’honneur des étrangers de l’ère Meji chez le Marquis Okuma, nous apprend qu’il s’est particulièrement intéressé aux objets de Hearn. Lesquels ? On n’en saura pas plus.

Tout ceci, si infime soit-il, participe à la constitution d’une trace hearnienne.

 

Les approches (Portrait-Figure-Choc-Recul)

Figure du déséquilibré et du visionnaire

Avons-nous encore besoin de mots plus puissants poétiquement ? Le poète se fait voyant, visionnaire. Des termes qui nommèrent les poètes maudits, Rimbaud, Verlaine. Par une attitude poétique, le poète-ambassadeur nomme à son tour l’écrivain-voyageur Hearn, l’élève ainsi, non pas, au rang d’influence formatrice, selon ses termes, mais d’influence inspiratrice, selon nos termes. La conférence de Cambridge est assez significative. Nous avons vu sa déclaration d’amour et sa seconde liste d’auteurs de langue anglaise (connus ou pas), venus des quatre coins. Hearn n’est point nommé. Claudel a pu certainement lire ses livres. « Les bibliothèques des clubs de ces grand et petits ports étaient admirablement bien fournies en ouvrages dhistoire, voyages, mémoires, critique, et naturellement en roman, le roman qui est l’éclat dominant de votre Muse iridescente »(Pr, 1324).

 

Muse iridescente !

Claudel n’attribue pas ce beau titre honorifique et poétique directement à Hearn, mais il lui convient parfaitement. Il est pertinent pour la poursuite de la traçabilité ascendante des thèmes de Claudel depuis ses multiples dispersions jusqu’à l’iris de l’oeil mutilé de Hearn.

« Lafcadio Hearn borgne et ne voyant de lautre quavec des lambeaux de rétine. »(J1, p.88), cette remarque de 1909 et la note de 1922  « Portrait, l’étrange figure de Lafcadio Hearn, avec son oeil unique, dilaté, son nez avide et démesuré, son oreille plus basse que laile du nez. Figure de déséquilibré et de visionnaire. »(J1, p.543) permettent de comprendre l’importance et l’affection qu’il accorde au portrait physique. L’odieux est en fait une ironie affectueuse. Claudel insiste sur l’infirmité(iris dilaté, cornée abîmée, orbite démesuré, lambeaux de rétine). L’oeil mutilé prend toute la place dans de courtes notes, portraits en raccourci. Il le déclare, aveugle, mal voyant, borgne. Pourquoi ? Pour mieux apprécier de lui, le déséquilibre porteur, la projection fulgurante. La dislocation du visible et donc du réel, donne accès à l’au-delàdu visible donc l’invisible. Rimbaud, influence séminale, ouvre le bagne par le rejet de l’ordre réel scientifique, philosophique, poétique. Fissure rimbaldienne que l’auteur du Dernier salut àRimbaud, affectionna pour s’être évadé du bagne matérialiste, en 1886, avec Une saison en Enfer. Hearn, aurait pu être l’autre dérèglement des sens, l’autre vision. Les personnages (Violaine, Pensée) de Claudel sont victimes sacrificielles de la même blessure dévorante, mutilation fantasmatique de l’oeil. Alors l’oeil s’empare des fonctions des autres organes, Loeil écoute, et ceux-ci remplacent l’oeil, on regarde avec le coeur.

 

Recul réactif devant l’oeil rétractif 

Pierre Brunel, grand spécialiste de Claudel ne mentionne pas non plus Hearn, il présente la rencontre Claudel/Poe comme un choc marquant [15]. Claudel découvre Eureka en 1903, le poème Leonainie, en 1904. Ambassadeur à Washington, il visite la maison de Poe, en 1920 et traduit Ulalume. L’influence formatrice de Poe ne fait pas l’ombre d’un doute ni d’une dispute. Claudel mentionne plusieurs fois son importance dans sa formation littéraire. Ce que nous découvrons est hallucinant. Phénomène étrange, l’attitude poétique d’approche est identique pour les deux conteurs Poe et Hearn. Claudel observe longuement la photographie de Poe avant d’en faire ce portrait en raccourci dans son journal intime inédit : «Photographie de Poe (29 ans), avec dadmirables yeux noirs brillants. On se rend compte quelle chose fragile et dangereuse est le génie. »[16]. On retrouve la même ironie affectueuse, le même sentiment qui manifeste un certain recul dans un premier temps. Ce que Pierre Brunel appelle joliment « ce murmure de frayeur »[17]. C’est donc cette même approche poétique, ce choc marquant identique, ce recul réactif semblable qui nous fait émettre l’hypothèse que les deux conteurs ont été appréciés à façon.

 

Les disciplines  (philosophie, religion, science)

Si Hearn, du point de vue physique, esthétique, poétique, thématique, a, un temps, retenu l’attention de Claudel, l’entente intellectuelle semble être compliquée sur le plan philosophique, théologique, scientifique. Claudel s’est assuré d’une formation intellectuelle auprès des solides thèses de Saint-Simon et a trouvésa rigueur scientifique dans la philosophie positiviste du disciple de celui-ci, Auguste Comte. Les sommes de Saint Thomas d’Aquin, l’étude assidue de la Bible, lui fournirent ses principes religieux. Hearn se réfère fréquemment aux théories évolutionnistes de Herbert Spencer pour consolider sa pensée non-conformiste : «I venture to call myself a student of Herbert Spencer; and it was because of my acquaintance with the Synthetic Philosophy that I came to find in Buddhist Philosophy a more than Romantic interest. » (W, An attempt at interpretation, 1905, p.199). L’aventure intérieure de Hearn oscille entre science et religion. Il frappa aux multiples portes de la science (géologie, entomologie, ethnologie, astrologie), sa curiosité l’amena aux séances de spiritisme et d’occultisme, de vaudou aux états-unis. Il entreprit des lectures très sérieuses et profondes (Darwin, Taine, Comte) sans pour autant en avoir la maitrise, mais son grand maitre reste Spencer. Claudel n’avait donc pas Hearn en odeur de sainteté.  Ironique par cette sinistre métaphore dans une autre note de son Journal : «Le pauvre poète Lafcadio Hearn pris dans Herbert Spencer comme un papillon entre deux pages dun manuel. »(J1, p.91) Claudel use des termes dures (pauvre/pris/papillon) probablement pour faire allusion aux études approfondies entomologiques de Hearn. Citons Butterly Fantaisies dans American Miscellany, N-Y, 1878, Insect Politics dans Editorials, Boston, 1878, Insect Civilization dans Item, 1881, Abouts Ants dans Time Démocrat, 1882 et ajoutons pour sa période japonaise Insect Literature, Insect and Great Poetry, Semi, Kusa-hibari et bien d’autres textes parus dans plusieurs ouvrages Kwaidan, Japanese Miscellany, Shadowings, Exotics and Retrospectives, Unfamiliar Japan. (W)

L’autre distance entre Claudel et Hearn est certainement la religion. Pas le frais frisson religieux, mais la vraie foi. Si Claudel l’intrépide croyant, converti, convaincu, parle de la révélation du noël 1886, à Notre Dame, comme un coup de foudre porté à sa vie, Hearn, sensible au doux frisson religieux devant les lieux sacrés, n’est ni soulevé, ni ébranlé par la foi. Au témoignage, cette scène entre lui et un moine bouddhiste. (W, My first day in Orient, p.19)

 

- Are you a Christian ?

- No

- Are you a Buddhist ?

- Not exactly

- Why do you make offerings if you do not believe in Buddha ?

- I revere the beauty of his teaching, and the faith of those who follow it

- Are there Buddhists in England and America ?

- Well !  There are, at least, a great many interested in Buddhist philosophy

 

Les thématiques (Cloche-Lampe-Soulier-Fleuve)

De la cloche au Soulier de Satin

Lors de son allocution au gala organisé en 1944, par Marie Bell, à Paris, Claudel avoue sans donner des précisions : «Le sujet du Soulier de Satin, cest celui de la légende chinoise, des deux amants stellaires qui chaque année après de longues pérégrinations arrivent à saffronter, sans jamais pouvoir se rejoindre, dun coté et de lautre de la voie lactée. Ainsi Rodrigue et Prouhèze séparés par une volonté supérieure que les Anciens auraient appelée le Destin, mais qui na rien perdu de son mystère en devenant un sacrement : ce sacrement, qui est, nous dit saint Paul, le grand sacrement, et quon appelle le mariage. De cette volonté les deux amants sont à la fois les victimes, les adversaires et les complices. Prouhèze essaye de rejoindre son amant, mais cest une aile rognée ; elle a donné son soulier à la vierge. () Toute lidée de la pièce repose sur lidée du sacrifice () » (Th.2, p.1298). L’imprécision se dédouble, se multiple, se répète, se précise. En 1946, en introduction des lithographies d’Emilienne Milani composées sur les thèmes de la Cantate à trois voix, il confirme par cette curieuse boutade : «Jadis des pages de je ne sais quel roman feuilleté dans un club dExtrême-Orient, il s’échappa un soulier qui devient vingt ans après le soulier de satin »(Po., p.1089). Il ne sait plus le livre, l’auteur, le lieu. Cependant, on peut admettre, comprendre qu’un écrivain et lecteur aussi volubile, un diplomate puis ambassadeur aussi occupé, un voyageur en déplacement permanent, puisse ne pas retenir, reconnaitre, citer toutes ses sources proches et lointaines. Mais quand il s’agit du magistral Soulier de Satin, on peut se poser des questions. Claudel ne précise pas non plus ses sources de La Cloche et La délivrance dAmaterasu dans Connaissance de LEst.

Gadoffre, le premier et après Weber-Cafflish et ensuite Laywer ont remonté la traçabilité de cette fameuse Cloche. Hearn plus précis que Claudel a dit s’être référé à Pe Hiao Tou Chouè (cent exemples de piété chinoise) narré par Yu-Pao-Tchen traduit en français en 1877 par Dabry de Thiersant [18]. L’ancien consul de France choisit 25 des 100 historiettes qu’avait recueillis l’auteur chinois et dont la dernière porte le titre de Ko-Nagai qui raconte le sacrifice extraordinaire d’une fille de seize ans dans la fonderie de son père qui doit faire une grande cloche dont le son merveilleux doit retentir très loin. Conçue avec les métaux précieux (or, argent, bronze), elle doit satisfaire les folies de grandeur de l’Empereur. Depuis seize ans, le fondeur s’attèle à la réalisation de ce chef d’oeuvre. Il a déjà échoué trois fois, l’Empereur ne lui laissera pas d’autre chance. Alors la jeune fille Ko-Nagai va consulter une diseuse de bonne aventure (voyante pour plaire aux poètes) qui lui avouera ce qu’il manque aux ingrédients : une âme, du sang de vierge, de la chair fraiche. La jeune Ko-Nagai se jette alors dans la bouillante et brulante composition. Sa suivante tente de la retenir, par un soulier qui lui reste dans la main. Depuis, quand les cloches de Chine retentissent de leurs plus beaux sons, la légende raconte aux petits chinois que c’est la voix de Ko-Nagai. Hearn refond les historiettes chinoises (épures morales) en contes fantastiques (fables émouvantes) dans le recueil Fantômes chinois [19]en 1887. Claudel s’en inspire pour écrire Connaissance de LEst en 1895-1905. Des contes de Fantômes chinois (L’âme de la grande cloche, La légende de la Tisseuse céleste, Lhistoire du dieu de la porcelaine) forment certains thèmes de la prose Connaissance de lEst (La cloche, La délivrance dAmaterasu). Gadoffre précise dans une autre étude que cette cloche poétique n’est pas la cloche bouddhique de Cent phrases pour éventail, Loiseau noir, Les Grandes Odes, ni de La Muse qui est la Grâce.[20]

De cette lumière éclatante de La lampe, La lanterne, La porcelaine, de cette sonorité vibrante de La cloche d’où jadis s’échappa Le soulier, jaillit la tragédie cosmique Le soulier de satin. De La voix lactée (Tanabata) d’où coule Linfranchissable lait qui sépare et sacrifie Les deux amants stellaires, apparut Le soulier de satin. Claudel avoue, pas sans confusion. Il parle de roman mais pas de recueil de contes, légendes, fables, qu’il a feuilleté, pas lu.  Situation troublante ! Gadoffre pose la question «Comment soupçonner le texte intitulé La Cloche dans Connaissance de lEst de receler clandestinement le thème du Soulier ? »[21] Car précise-t-il, Claudel dans sa refonte du texte chinois passé par Hearn, écarte l’épisode du soulier qui reste dans la main de la servante qui tente de retenir la jeune Ko-Nagai qui se jette dans le brasier. « Dans le recueil de Lafcadio Hearn, Some Chinese Ghosts, où Claudel a trouvé cette légende, ainsi que celle de « La tisseuse céleste », il y a deux histoires du même type : lune est « LAme de la grande cloche »dont sest inspiré Claudel qui met en scène le mandarin chargé par lEmpereur de faire fondre une cloche (). Le héros de la seconde histoire est un céramiste qui reçu dun autre Empereur, la commande dun « vase qui aura la teinte et laspect de la chair vivante. () Dans les deux cas, le chef doeuvre requiert un sacrifice humain. »[22]

Claudel retire, change thèmes et accessoires, en ajoute d’autres. Il habille d’une robe nuptiale, sa jeune victime. Dans Lannonce faite à Marie, la fille Violaine, sacrifiant son amour, se voile de blanc. Thème de vierge sacrifiée. Gadoffre révèle : « Il y avait une autre histoire de soulier féminin dans le répertoire des légendes chinoises. () Les malheurs de Yan Kouei-fei, la favorite de lEmpereur Ming Houang. »[23] Sans jeu de mot, sans ironie affectueuse et affreuse, le traducteur français, s’appelle Soulié. Georges Soulié de Morant, collègue diplomatique d’Extreme-Orient de Claudel, lui a peut-être soufflé la légende. La passion de Yang Kwei-Fei [24] sort en 1923 au moment de la réécriture de la 3e journée du Soulier de Satin, après le tremblement de terre de Tokyo qui selon Claudel avait enfoui son manuscrit. Accusée des malheurs de l’Empire, Yang Kwei Fei se pend pour apaiser les rébellions, les révoltes, les invasions barbares. Une vieille femme entra dans le temple qui abritait les souverains et sur la marche de l’autel, elle aperçoit un petit soulier brodé, puis un bas de soie tombés du pied charmant de la victime. Elle les ramasse avec respect et les emporte. Prouhèze, l’héroïne de Claudel, remet son soulier de satin entre les mains de la vierge, disant cette terrible prière enfantine : «Vierge mère, je vous donne mon soulier ! Vierge mère, gardez dans votre main mon malheureux petit pied ! Je vous préviens que tout à lheure je ne vous verrai plus et que je vais tout mettre en œuvre contre vous ! Mais quand jessayerai de m’élancer vers le mal, que ce soit avec un pied boiteux ! La barrière que vous avez mise, Quand je voudrai la franchir, que ce soit avec une aile rognée ! Jai fini ce que je pouvais faire, et vous, gardez mon pauvre petit soulier,Gardez-le contre votre cœur, ôgrande Maman effrayante ! (Th.2, p. 278)

De qui nous vient cette histoire ? Si la recherche ne s’accorde pas pour le moment sur l’origine, la source, on peut admettre que la symbolique est identique. La jeune vierge Ko-Ngai, de la légende chinoise à la prose de Claudel en passant par la fable de Hearn est une castration, une frustration de la sexualité féminine. La chaussure est un symbole classique du sexe féminin pour l’inconscient. Comme le pied, la jambe peuvent être des substitutions du sexe masculin. On peut se référer aux trois essais sur la théorie de la sexualité de Sigmund Freud. Pantoufles, souliers, bas, des contes de fées, du cinéma, fétichisme du pied et de la chaussure représentent la virginité séduisante et fragile. Le soulier de l’héroïne du conte et le soulier de Prouhèze est le même symbole sexuel. D’autres motifs remplacent la chaussure. La coquille est une représentation classique symbolique du sexe féminin. La naissance de Venus de Botticelli, le poème de Verlaine Les coquillages (Femmes galantes). Les fantasmes des jeunes et moins jeunes femmes frustrées dans un couvent pendant le conflit entre sudistes/nordistes dans le film Les proies sont représentés par des femmes dans des coquillages.

 

Du fil de La tisseuse céleste auculte dAmaterasu au Soulier de satin

Nous connaissons la légende Tanabata. Cette nuit sacrée, lunaire du 6 au 7 de la 7e lune où la tisseuse traverse la voie lactée, Le fleuve céleste, pour retrouver qu’une fois, le bouvier. La légende a pour origine les interdits sexuels de l’ancienne Chine qui séparaient les professions et les amants. La Tisseuse céleste descendue un temps pour récompenser la piété filiale d’un pauvre jeune homme qui dut se vendre pour acheter une sépulture à son père.  Autre légende de Hearn transformée par Claudel : «Dès que le soir vient, ou que la nuit, déjà est venue, je retrouve la fatale Navette tout enfoncée au travers de la trame du ciel. »La délivrance dAmaterasu, Connaissance de lEst (Po. p.109) Le Soulier de Satin dit la souffrance métaphysique des amants séparés par des fragmentations de mondes, des configurations de terres (Amérique, Brésil, Japon, Chine) et qui ne peuvent se retrouver que par décision divine. Le Lac de lait, symbole maternel est l’élément séparateur. Un Face-à-face sacrificiel, séparateur mais réparateur. Les amants sont condamnés et se condamnent. Une équivalence du tragique suicide en commun. De tout temps, en tout lieu, le suicide collectif des amants a valeur de substitution de l’acte sexuel d’une union rendue impossible. Le Soulier de Satin est métaphysique et/ou mystique de l’amour. De tout temps, en tout lieu, littérature, musique, opéra, conte, cinéma, théâtre ont produit de fantastiques classiques, métaphysiques, mythiques, cosmiques : (Roméo/Juliette, Quasimodo/Esmeralda, Carmen/Don José, O-San/Mohei, …pour ne citer que ceux-la).

 

Sous prétexte de conclusion

Dévorés par une passion pour toutes les cosmogonies, mythologies, légendes fantastiques et contes fabuleux où convergent la physique, la philosophie, la métaphysique, sans en apprécier les mêmes théories et penseurs, mangeurs de Totalité Monde (chromatique, cosmique, esthétique, symbolique, mythique, mystique, théologique), de Spectacle Divers (frissons religieux, merveilleux, exotique) (nature-symbole, histoire-parabole, mythe-pôle), notre grand poète-ambassadeur/詩人大使, Paul Claudel/Kurodelu/クローデル/oiseau noir, ainsi appelé, et notre grand écrivain-voyageur/旅行作家, Hearn/Herun-san/へるんさん/Héron/Koizumi Yakumo/小泉八雲/huit nuages, ainsi adopté, furent baptisés, fins interprètes de l’âme japonaise. « The poet-Envoy has been one the keenest interpreters of Japan and Japanese life since the deaf of Lafcadio Hearn. »(J1, p.838, Article du Japan Times, le jour de départ de Claudel).

 

Abréviations

Catal : Catalogue de la bibliothèque de Paul Claudel, Les belles Lettres, Paris, 1979

C.D : Courrier diplomatique, Tokyo (1921, 1927), Gallimard, Paris, 1995

J 1, 2 : Journal, Gallimard, Pléiade, tome I 1968, tome II, Paris, 1969

M.I : Mémoires improvisées, Gallimard, Paris, 1969

O.C. : Oeuvres complètes de Paul Claudel, Gallimard, 29 vol, Paris, 1950-1986

  1. : Oeuvre poétique, Gallimard,Pléiade, Paris, 1967

PrOeuvre en Prose, Gallimard, Pléiade, Paris, 1973

Th. 1, 2 : Théâtre, Gallimard, Pléiade, tome 1 1967, tome 2, Paris, 1971

W : The Writings of Lafcadio Hearn, 16 vol, Boston and New York, Houghton Mifflin Company, 1922, Rep. 1922

[1] Didier Alexandre, Genèse de la poétique de P. Claudel«Comme le grain hors du furieux blutoir», H. Champion, Paris, 2001

[2] Didier Alexandre, P. Claudel, du matérialisme au lyrisme«Comme une oie qui clabaude au milieu des cygnes», H. Champion, Paris, 2005

[3] Raymond Jouve, Comment lire Claudel, Aux étudiants de France, Paris, 1945

[4] Paul Claudel, Quelques influences formatrices, La revue des lettres modernes, No 1, 1964

[5] Paul Claudel, Théâtre et récit, La revue des lettres modernes, No 19, 2005

[6] Dominique Millet-Gérard, Étude d'esthétique spirituelle, H. Champion, Paris, 1997

[7] Dominique Millet-Gérard, Claudel thomiste, H. Champion, Paris, 1999

[8] Shinobu Chujo, Chronologie de Paul Claudel au Japon, Poétiques et esthétiques, XXe-XXIe siècle, H. Champion, Paris, 2012

[9] Gilbert Gadoffre, Claudel et Lafcadio Hearn in Studies in Modern French Litterature, prés. Mansell Jones, Manchester University Press, 1961

[10] Gilbert Gadoffre, Paul Claudel et lUnivers chinois, Cahiers Paul Claudel No8, 1968

[11] Sukehiro Hirakawa, Japan in comparative perspective, Japanese Culture in comparative perspective, 1980-90, University of Tokyo Press

[12] Sukehiro Hirasawa, À la recherche de lidentitéjaponaise, le shintôinterprétépar les écrivains européens, L’Harmattan, 2012

[13] Antoinette Weber-Caflisch, Etudes sur le Soulier de satin de Paul Claudel, Edition critique et Dramaturgie et Poésie, essai sur le texte et l'écriture,  Annales littéraires, universitéde Besançon, 1987

[14] James Lawler, Poésie et vibration : «La Cloche »de Paul Claudel in Revue d’histoire littéraire de la France, 2004

[15]  Paul Claudel, Quelques influences formatrices, Idem, Claudel et Poe par P. Brunel

[16] Idem, p. 100

[17] Idem, p. 100

[18] Philibert Dabry de Thiersant, La piétéfiliale en Chine, Ernest Leroux, 1887, format texte parPierre Palpant, www.chineancienne.fr, 2012

[19] Lafcadio Hearn, Some Chinese Ghosts, Roberts Bros, Little Brown et Cie, 1887, traduit en français par Marc Logé, Mercure de France, Paris 1913   

[20] Gadoffre, Paul Claudel et lUnivers chinois, Idem, p.340

[21] Idem, p.349

[22] Idem, p.350

[23] Gadoffre, Idem, p.350

[24] George Souliéde Morant, La passion de Yang KwéFei, Editons dart, Paris, 1924, format texte parPierre Palpant, Chicoutimi, Québec, 2016

 


Louis Solo Martinel
Université Waseda, Fuji Scène Francophone, Exote International

louissolomartinel@gmail.com 

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